lun 7 juillet 2025

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Quand les noms racontent nos terres : la réforme territoriale du Burkina Faso, un hymne aux identités culturelles

Le Burkina Faso ne se contente plus d’administrer ses régions : il les raconte désormais à travers des noms qui chantent ses rivières, murmurent ses histoires et célèbrent ses peuples. En passant de 13 à 17 régions et de 45 à 47 provinces, le pays vient d’opérer une mue territoriale, mais surtout symbolique. Et au cœur de cette réorganisation, un geste fort : donner à chaque région un nom qui parle aux mémoires, aux langues et aux racines.

Par cette réforme, l’État burkinabè engage un tournant culturel majeur. Exit les appellations technocratiques, place à une toponymie enracinée dans les patrimoines historiques, linguistiques et géographiques. Chaque nom devient alors une trace vivante du passé, un miroir du présent, et une boussole pour l’avenir.

Les 17 noms et leurs histoires

  • Bankui
    Nom composé de Ban qui signifie « forêts » et kui qui signifie « village » ou « localité ».
  • Djörő
    Dénomination faisant référence à la pratique très répandue de la culture de l’initiation dite le djörő dans la région.
  • Goulmou
    Appellation historique qui renvoie à un ensemble ethnolinguistique et culturel dont la fidélité est au roi de Fada N’Gourma.
  • Guiriko
    Ancien royaume fondé au XVIIIe siècle, dont Sya (Bobo-Dioulasso) était la capitale. Espace commercial et politique important.
  • Kadiogo
    Désignait originellement une rivière près du palais du Moog-Naaba, utilisée pour ses besoins personnels.
  • Kuilsé
    Signifie cours d’eau en mooré. Fait référence aux plans d’eau de la région : fleuve Nakambé, lacs Bam, Dem, Sian.
  • Liptako
    Composé de Liba (terrasser) et deta-a-ko (on ne peut pas) en fulfuldé.
  • Nando
    Ancienne appellation de la ville de Koudougou en langue Gourounssi.
  • Nakambé
    Hydronyme tiré du fleuve ex-Volta Blanche, renommé sous la Révolution démocratique et populaire.
  • Nazinon
    Hydronyme tiré du fleuve ex-Volta Rouge, renommé durant la Révolution démocratique et populaire.
  • Oubri
    Référence au troisième petit-fils de Ouédraogo, fondateur du royaume de Wogdgo, un des royaumes mossi.
  • Sirba
    Hydronyme d’un cours d’eau qui prend sa source dans le Ganzourgou et traverse les deux provinces de la région.
  • Soum
    Nom d’une mare formant un écosystème avec les dunes du Séno-mango. Symbolise la transition entre sable et savane.
  • Sourou
    Défluent du Mouhoun, aux riches potentialités agro-sylvo-pastorales et fauniques.
  • Tannounyan
    Signifie collines ou falaises en turka et gouin. Fait référence aux reliefs emblématiques : pics de Sindou, mont Ténakourou…
  • Tapoa
    Hydronyme du principal cours d’eau traversant la région.
  • Yaadga
    Référence au petit-fils de Naba Oubri, fondateur du royaume du Yatenga, l’un des royaumes mossi.
  • Nommer, c’est reconnaître

En choisissant des noms tirés des langues nationales (mooré, gourmantchéma, fulfuldé, dioula, turka…), des hydronymes (Nazinon, Nakambé, Tapoa, Sourou…) ou des entités historiques (Guiriko, Yatenga, Wogdgo…), le Burkina Faso pose un acte culturel fort. Il ne s’agit plus seulement de diviser le territoire, mais de lui redonner sens, dans une perspective d’affirmation identitaire et de réappropriation mémorielle.

Pour les artistes, chercheurs, enseignants, conteurs et porteurs de traditions, cette réforme est un terrain fertile. Elle ouvre des pistes pédagogiques, artistiques et touristiques. Chaque nom peut faire l’objet d’un poème, d’une pièce de théâtre, d’un documentaire ou d’une chanson. Chaque territoire devient une scène où l’on peut rejouer l’histoire et réinventer les liens avec la terre.

Vers un Burkina raconté par ses propres mots

Ce tournant culturel pose une autre question fondamentale : et si le Burkina Faso était l’un des premiers pays africains à faire de la toponymie un acte de souveraineté culturelle ? En choisissant de faire parler les territoires avec des noms authentiques, le pays revendique un regard sur lui-même, loin des coupes coloniales et des logiques d’homogénéisation.

Dans un monde où les peuples cherchent à renouer avec leurs racines, le Burkina, lui, nomme pour ne pas oublier, nomme pour exister, nomme pour transmettre.

Alors que les cartes administratives sont déjà mises à jour, ce sont surtout les cartes mentales, affectives et culturelles des Burkinabè qui s’enrichissent. Parce qu’un nom peut être un poème. Et qu’une région, quand elle est bien nommée, devient une histoire qu’on n’oublie plus.

✍️ Parfait Fabrice SAWADOGO

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