Dans un monde de plus en plus globalisé où les références culturelles dominantes sont souvent importées, la question de la transmission de l’identité africaine aux jeunes générations s’impose avec force. Langues locales, valeurs ancestrales, récits historiques, pratiques artistiques et savoirs endogènes représentent un patrimoine d’une richesse inestimable, qu’il devient urgent de préserver, mais surtout de faire vivre.

Aujourd’hui, de nombreux enfants africains grandissent dans des environnements où la culture occidentale s’impose comme modèle de réussite, d’élégance ou d’intelligence. Face à cette réalité, la perte de repères culturels devient un danger tangible. Comment alors rétablir le lien entre les jeunes générations et leurs racines africaines ? Quelles sont les pistes concrètes pour leur transmettre les valeurs, les langues et les savoirs issus du continent ?
Une jeunesse exposée à la domination culturelle
À l’ère du numérique, les jeunes Africains sont de plus en plus connectés au reste du monde. Par les séries, les clips musicaux, les jeux vidéo ou les réseaux sociaux, ils sont en contact permanent avec des codes culturels venus d’ailleurs. Cette ouverture peut être enrichissante, mais elle devient problématique lorsque l’identité africaine est reléguée au second plan, voire perçue comme inférieure.
Dans certaines villes, on assiste à une dévalorisation des langues locales, un abandon des prénoms africains, une méconnaissance des traditions ou encore un rejet des tenues traditionnelles. Cette fracture identitaire peut engendrer un malaise profond, une perte d’estime de soi, et une vision tronquée de l’Afrique elle-même.

Le rôle central de la famille et de l’école
Pour remédier à cette situation, la famille reste le premier vecteur de transmission. Les parents doivent jouer pleinement leur rôle en valorisant leur culture au quotidien : parler les langues nationales à la maison, raconter des contes traditionnels, transmettre les proverbes, expliquer les rites, cuisiner les plats du terroir, célébrer les fêtes locales…
L’école, quant à elle, peut compléter cet effort. Certains établissements en Afrique introduisent désormais des cours sur l’histoire locale, les musiques traditionnelles, les pratiques artisanales ou encore les mythes africains. Toutefois, ces initiatives restent dispersées et gagneraient à être intégrées dans les politiques éducatives nationales.

Les artistes et les médias comme passeurs de mémoire
Les artistes africains, toutes disciplines confondues, jouent un rôle de plus en plus important dans la revalorisation de l’identité africaine. Par la musique, le théâtre, le cinéma, la littérature ou la mode, ils contribuent à remettre au goût du jour les langues africaines, les esthétiques traditionnelles et les récits ancestraux.
Sur les réseaux sociaux, des créateurs de contenus et influenceurs s’engagent aussi à vulgariser les langues locales, les proverbes, les symboles africains, parfois de manière ludique ou humoristique. Ces initiatives ont un fort impact sur les jeunes, en leur proposant des modèles auxquels ils peuvent s’identifier.

Repenser l’enseignement de l’histoire africaine
Transmettre l’identité africaine passe également par la réécriture de l’histoire. L’Afrique ne commence pas avec la colonisation. Les enfants doivent pouvoir découvrir les grandes civilisations africaines, les figures historiques marquantes, les inventeurs, les bâtisseurs, les résistants, les philosophes africains…
Valoriser des figures comme la princesse Yennenga, Soundiata Keïta, Cheikh Anta Diop, Thomas Sankara ou encore Wangari Maathai, c’est offrir aux jeunes des repères positifs et inspirants. Cela leur permet de comprendre que l’Afrique est porteuse d’excellence, d’intelligence et d’innovation.

Une responsabilité collective
Le chantier de la transmission identitaire est immense, mais il est vital. Il ne doit pas reposer uniquement sur les familles ou les artistes. Il implique les États, les éducateurs, les médias, les institutions culturelles, les ONG, les développeurs d’applications, les auteurs jeunesse, les animateurs radio, les leaders religieux ou communautaires…
C’est en multipliant les contenus, les outils, les espaces et les occasions de célébrer l’africanité qu’on créera une génération ancrée dans ses valeurs, consciente de son héritage, et prête à s’ouvrir au monde sans se perdre.
Transmettre l’identité africaine aux jeunes et aux enfants, ce n’est pas regarder vers le passé avec nostalgie, mais construire un avenir enraciné. Un avenir où chaque enfant d’Afrique grandit avec fierté, dans une culture vivante, évolutive, et profondément digne.
Parfait Fabrice SAWADOGO
Journaliste Culturel – Infos Culture du Faso