Situés dans la province de l’Oubritenga, les hauts fourneaux de Yamané sont un témoignage précieux du génie métallurgique des sociétés anciennes du Burkina Faso. Classé patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2019, ce site révèle une maîtrise technique impressionnante, datant du XIIIe siècle, et liée à la tradition des forgerons Mossé.

Cachés dans le paysage vallonné du Plateau central, les hauts fourneaux de Yamané défient le temps. Dans ce village de la région du Centre, deux structures imposantes en latérite s’élèvent encore, vestiges d’une époque où la métallurgie du fer façonnait l’organisation sociale, économique et spirituelle des communautés. Le site de Yamané fait partie des cinq lieux du Burkina Faso classés au patrimoine mondial pour leur apport exceptionnel à l’histoire de la métallurgie en Afrique subsaharienne.
Un savoir-faire médiéval aux fondations solides
Les deux fourneaux de Yamané, hauts de plus de deux mètres, datent des XIIIe–XIVe siècles. Contrairement à d’autres sites où les structures sont souvent partiellement détruites ou souterraines, ceux de Yamané sont encore debout, en élévation. Leur construction témoigne d’une technique avancée : en terre latéritique, mélangée à de l’argile, à des fragments de tuyères et de scories, ils ont été conçus pour résister à de très hautes températures. Ils utilisaient un procédé de réduction directe du minerai de fer, fonctionnant grâce à un système de tirage naturel, sans soufflets mécaniques.
Ce type de métallurgie nécessitait une grande maîtrise des éléments terre, feu, air ainsi qu’une organisation communautaire rigoureuse. La fabrication du fer était un acte technique, mais aussi social et rituel. Elle impliquait des spécialistes, des rituels d’ouverture et de fermeture des fourneaux, et s’inscrivait dans un système de croyances profondes.

Un complexe archéologique riche et structuré
Le site de Yamané ne se résume pas à ses seuls fourneaux. Les recherches archéologiques y ont mis au jour une série de vestiges : bases de fourneaux, amas de scories, buttes anthropiques, traces d’anciennes mines de fer, et zones d’habitat. Tous ces éléments révèlent un écosystème métallurgique complet, au sein duquel la production du fer n’était pas marginale mais bien centrale.
L’organisation du site laisse penser à une activité intensive et durable, probablement destinée à alimenter non seulement les besoins locaux en outils agricoles et armes, mais aussi des échanges régionaux. Le fer, à l’époque, jouait un rôle crucial dans le développement des sociétés, bien avant l’introduction du commerce transsaharien ou colonial.

Un héritage vivant transmis par les forgerons Mossé
Yamané est également un lieu de mémoire vivante. Le site est associé au peuple Mossé, dont certains descendants perpétuent encore les pratiques de la forge, bien que souvent avec du métal de récupération plutôt que du minerai brut. Cette continuité témoigne d’une transmission des savoirs techniques et spirituels autour du feu et du fer.
La forge, dans la culture mossi, n’est pas simplement une activité artisanale. Elle est souvent entourée de mystère, réservée à des lignées spécifiques, et dotée d’un rôle symbolique fort dans les communautés. En cela, Yamané n’est pas qu’un site historique, il est aussi un repère culturel et identitaire.

Un site reconnu et protégé au niveau international
L’inscription du site de Yamané et de quatre autres (Douroula, Tiwêga, Kindibo et Békuy) sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2019 a marqué un tournant. Elle permet de replacer l’Afrique de l’Ouest au cœur de l’histoire mondiale des technologies anciennes. Elle attire également l’attention sur la nécessité de protéger ces trésors face à l’érosion naturelle, aux activités humaines, et à l’oubli.
Des initiatives de valorisation touristique, de formation locale à la préservation du patrimoine, ainsi que de recherches scientifiques sont progressivement mises en œuvre. Le site pourrait devenir un pôle éducatif et culturel de premier plan, tant pour les Burkinabè que pour les visiteurs internationaux.

Une mémoire à préserver pour l’avenir
Les hauts fourneaux de Yamané racontent l’histoire d’un génie africain du métal, d’une société structurée, savante, et fière de son savoir-faire. Leur conservation n’est pas seulement une question de patrimoine, mais aussi d’identité, de transmission et de reconnaissance. Protéger Yamané, c’est faire vivre une mémoire millénaire pour les générations futures.
Crédit photos : MCAT
✍️ Parfait Fabrice SAWADOGO