ven 11 juillet 2025

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Les Gourmantché et la région de Goulmou : Redonner voix à un peuple enraciné dans l’Est burkinabè et valoriser un potentiel touristique prometteur

Dans le vaste chantier de refondation administrative engagé par l’État burkinabè, la création de la région du Goulmou, avec des appellations endogènes, marque un tournant décisif dans la valorisation des identités locales. Cette région, dont le nom fait référence directe à l’aire culturelle des Gourmantché, peuple majeur de l’Est du Burkina Faso, symbolise une tentative de redonner un visage culturel à la gouvernance territoriale, tout en s’ouvrant aux opportunités économiques liées au tourisme et à l’hôtellerie.

Historiquement, le Goulmou parfois écrit Goulma ou Gourma est le territoire ancestral des Gourmantché, un peuple connu pour sa structure sociale hiérarchisée, ses chefs coutumiers influents, sa tradition d’agriculture et d’élevage, ainsi que son attachement profond à la terre. La langue parlée est le gourmantchéma, un idiome riche et vivant, qui reste l’un des plus utilisés dans l’Est du pays malgré une faible valorisation institutionnelle jusqu’à présent.

En désignant la région sous le nom de Goulmou, le Burkina Faso opère un réajustement symbolique fort. On passe d’une désignation géographique fonctionnelle (“Est”) à une reconnaissance culturelle et historique. Le Goulmou est plus qu’un territoire : c’est une entité mémorielle, un espace façonné par des dynasties, des alliances, des rites, et des traditions orales qui ont traversé les siècles. La région englobe plusieurs provinces telles que la Tapoa, le Gourma, la Komondjari ou encore la Kompienga.

Le chef-lieu de cette nouvelle région reste la ville de Fada N’Gourma, haut lieu du royaume Gourmantché. Fada, contraction de “Faradia”, est historiquement le centre d’un pouvoir coutumier encore actif. Le roi du Goulmou, autorité morale et culturelle reconnue, y joue un rôle symbolique dans la cohésion sociale, la régulation des conflits fonciers, et la préservation des rites ancestraux. Dans le contexte actuel de crise sécuritaire, ce rôle devient encore plus central pour renforcer les solidarités communautaires.

Un patrimoine culturel et naturel au cœur d’une offre touristique émergente

La culture gourmantché est une richesse encore largement méconnue du grand public. Pourtant, elle est l’une des plus anciennes du Burkina. Elle se distingue par une architecture traditionnelle en banco, des danses rituelles telles que le “kãŋa”, des cultes aux ancêtres, des chants initiatiques et une gastronomie spécifique (soupes d’oseille sauvage, pâte de mil, viandes séchées…). L’artisanat, notamment les tissages, la poterie et la fabrication de bijoux, y est également développé.

Sur le plan touristique, la région de Goulmou bénéficie de plusieurs atouts majeurs. Ses paysages variés offrent un cadre naturel propice aux activités de découverte et d’écotourisme, avec des zones de savane, de forêts et des points d’eau favorables à la faune locale. La proximité de réserves naturelles, notamment dans les zones frontalières avec le Niger et le Bénin, attire les amateurs de safari et d’observation d’oiseaux.

Fada N’Gourma, en tant que capitale régionale, dispose d’une infrastructure hôtelière en développement, avec des hôtels confortables et des pensions qui accueillent les visiteurs en quête d’authenticité. Plusieurs initiatives locales favorisent l’émergence d’hébergements communautaires et de lodges écologiques, permettant aux touristes de s’immerger dans la vie gourmantché, tout en soutenant l’économie locale.

Les festivals culturels, tels que les célébrations des rites ancestraux et les manifestations artistiques traditionnelles, offrent un calendrier attractif pour le tourisme culturel. Ils sont des occasions privilégiées de découverte des danses, musiques et savoir-faire artisanaux, attirant visiteurs nationaux et internationaux.

Une gouvernance régionale pour une valorisation harmonieuse et durable

Le nom Goulmou porté par une région administrative permet donc non seulement de sanctuariser cette identité mais aussi de l’intégrer dans les politiques de développement. Cela ouvre la voie à une meilleure prise en compte des langues nationales dans l’éducation, des pratiques locales dans l’aménagement du territoire, et de l’histoire locale dans les curricula scolaires.

Cette réforme est aussi une opportunité pour les jeunes Gourmantché, souvent marginalisés dans l’espace médiatique et politique national, de s’exprimer, de créer, de revendiquer un leadership enraciné. Les femmes, très présentes dans l’économie locale par l’agriculture, le commerce et l’artisanat, peuvent également trouver dans ce redécoupage un appui structurel pour le développement de filières porteuses (produits forestiers non ligneux, culture de niébé, karité…) et pour impulser des initiatives dans l’hôtellerie traditionnelle et l’artisanat touristique.

Enfin, dans un contexte où l’Est burkinabè a été durement touché par les attaques terroristes et les déplacements massifs de populations, reconnaître le Gulmu comme une entité régionale identifiée, c’est aussi envoyer un message de résilience, de résistance et de souveraineté culturelle.

À travers la région de Goulmou, le Burkina Faso réaffirme ainsi que sa reconstruction ne se fera pas dans l’abstraction technocratique, mais dans le respect de ceux qui peuplent son sol, dans leurs langues, leurs coutumes, leurs mémoires, tout en valorisant les potentialités économiques issues de leur patrimoine naturel et culturel.

Parfait Fabrice SAWADOGO

Journaliste Culturel – Infos Culture du Faso

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