Dans le cadre du mois du patrimoine burkinabè, focus sur un site chargé d’histoire : la case d’accueil de l’explorateur français Gustave Binger à Pô. Située dans le Centre-Sud du pays, cette construction en terre battue, coiffée d’un toit conique en chaume, fait partie des rares vestiges visibles de la période de contact entre autorités traditionnelles et pouvoirs coloniaux.

Bâtie avant même l’arrivée des Français, la case servait à l’origine de forteresse pour le chef local et sa population. En 1893, elle accueille temporairement Louis-Gustave Binger, envoyé par la France pour explorer et cartographier les territoires de l’intérieur. L’accueil de Binger à Pô symbolise un moment de bascule : le passage d’un territoire autonome à une zone convoitée par la colonisation.
Un abri devenu poste d’observation
Si la case n’a accueilli l’explorateur que brièvement, elle aurait ensuite servi de base temporaire et de poste d’observation pour les forces françaises. C’est dans ces murs de banco que se sont noués les premiers échanges entre les émissaires coloniaux et les autorités coutumières, dans un contexte de forte tension. Aujourd’hui, elle se dresse toujours dans la cour du chef traditionnel de Pô, qui en assure la préservation. Le bâtiment n’est plus seulement un vestige : il est intégré à la vie communautaire et continue de porter une charge symbolique forte.

Un modèle d’architecture traditionnelle
Avec ses murs épais, sa forme circulaire et son ouverture soigneusement orientée, la case illustre les savoir-faire architecturaux ancestraux du Centre-Sud. Conçue pour résister au climat local, favoriser la ventilation naturelle et offrir un abri sûr, elle témoigne d’une ingénierie vernaculaire pensée dans le moindre détail. Ce type de bâtisse n’était pas seulement une habitation : c’était aussi un refuge en temps de conflit. Véritables forteresses, les cases comme celle de Pô incarnaient l’autorité et la protection du chef sur sa communauté.

Un patrimoine porteur de sens
Aujourd’hui, la case attire l’attention des chercheurs, passionnés d’histoire et acteurs du tourisme culturel. Elle permet d’aborder l’histoire coloniale avec recul et nuance, tout en valorisant le génie architectural local. Dans une ère où la préservation du patrimoine devient un enjeu de mémoire et d’identité, elle représente un lien vivant entre passé et présent.
Pour qui souhaite comprendre l’histoire du Burkina Faso autrement qu’à travers les archives, la visite de ce site s’impose. La case de Binger n’est pas un simple monument : c’est une porte ouverte sur la mémoire collective. Et un rappel, aussi silencieux que puissant, de la résilience des peuples face à l’histoire.
Parfait Fabrice SAWADOGO