« Cinquante ans ce n’est pas cinquante jours » dixit Abdoulaye Cissé l’’un des plus capés de la musique burkinabé qui nous a donné son avis sur le Festival Ouaga New York et quelques nouvelles concernant la suite de sa carrière musicale. C’est un Abdoulaye Cissé décontracté et plus en forme que son âge que nous avons rencontré de retour du festival Ouaga New York. Lisez plutôt.
Infos Culture du Faso : Veuillez-vous présenter à nos lecteurs?
Abdoulaye Cissé : Je suis Abdoulaye Cissé, je suis artiste musicien. Je suis dans la musique il y a très longtemps. On a célébré ensemble avec le public mes 50 ans de carrière musicale il n’y a pas longtemps. C’était magnifique et j’ai gardé de très beaux souvenirs.
Infos Culture du Faso : Comment s’est passée votre participation au Festival Ouaga New York?
Abdoulaye Cissé : C’est ma première participation au Festival Ouaga New York, j’y étais avec Kisto Koinbré et Roger Wango. C’était un honneur pour nous de savoir qu’on allait y aller. Sans mentir j’avais quelques appréhensions dans la mesure où les échos qui nous étaient parvenus des éditions passés faisaient état d’un festival « bancal « . Pourtant c’est un festival qui n’est pas à sa première édition, donc les gens cherchaient à salir quelque peu l’image de la chose. Alors nous qui avons été invités à y prendre part, nous avons sentis ça comme un orgueil. C’est le FONY qui unis la diaspora burkinabé vivant aux États-Unis, j’ai reçu confirmation quand j’y étais. C’est un événement qui devrait être salué à sa juste valeur et non à dénigrer. Parce que ce qui nous manque ici, c’est ce que nous avons ailleurs, la solidarité, et cette solidarité doit vraiment se manifester plus grandement à l’étranger et le FONY est un forum pour les Burkinabé. Le FONY c’est la joie, c’est la convivialité, la fraternité. Je suis allé au FONY avec beaucoup de plaisir et nous avons été accueillis de façon chaleureuse d’abord à l’aéroport par une délégation du comité d’organisation, et cette chaleur est restée tout au long de notre séjour. Le public a également été chaleureux et réceptif bien que composé de gens venant d’un peu partout dans le monde.
Infos Culture du Faso : Quel mot avez-vous à l’endroit des organisateurs ?
Abdoulaye Cissé : Tout le malheur que je puisse souhaiter aux organisateurs du FONY est qu’il n’y plus est pas un seul jour où ils baissent les bras. Le FONY est un événement qui, s’il n’existait pas il aurait fallu le créer. Gérard Koala a eu la bonne inspiration d’avoir pensé à ça. Je leur souhaite lui et ses collaborateurs de rester souder, plus créatifs pour faire avancer le FONY. Ce n’est pas parce que j’y ai pris part que je parle ainsi de ce festival, même avant que j’y prenne part j’ai toujours trouvé que c’était un événement qui était bien. Au comité d’organisation, vous avez un trésor en main, travaillez à le faire fructifier, faites le vivre le plus longtemps possible.
Infos Culture du Faso : Que pensez-vous du FONY ?
Abdoulaye Cissé : Le FONY est très important non seulement pour les artistes burkinabè mais aussi pour la communauté burkinabé qui vie aux États-Unis. Si ce n’est que je l’ai vu, je n’aurais jamais pensé qu’il y a autant de Burkinabé à New York. Et ils n’étaient pas obligé d’y participer, mais ils sont tous venus, la salle de spectacle a refusé du monde, la police même a dû intervenir pour essayer d’organiser la foule à l’extérieur. Ça veut dire que c’est un événement qui draine des foules et aux dires des organisateurs cette édition est la meilleure de toutes les FONY qu’ils ont organisés. C’est un motif de satisfaction pour nous.
Infos Culture du Faso : Avez-vous noué des contacts pour des collaborateurs futurs ?
Abdoulaye Cissé : Nous n’avons pas eu d’approche avec des artistes américains ou d’artistes africains participants au FONY, pour la simple et bonne raison que le séjour était bref. On avait deux spectacles à faire le 1er et le 3. On a eu juste le temps de faire les répétitions. Mais néanmoins il y a eu quelques contacts, des gens qui ont promis de nous faire revenir pour des festivals, en plus des organisateurs du FONY eux même.
Infos Culture du Faso : Parlant de votre carrière, quels sont vos futurs projets ?
Abdoulaye Cissé : 2018 a été désigné comme l’année de la célébration de mes cinquante ans de carrière. De ce fait le 5 mai dernier nous avons organisé un concert au CENASA que nous avons eu l’honneur de voir couvrir par votre organe. Actuellement nous préparons la dernière phase de ces manifestations, à savoir l’organisation du concert à Bobo-Dioulasso prévu pour le 21 novembre 2018 au palais de la culture avec d’autres artistes comme Sisby, Eldjy, Yacou et Sayouba, Rama, Saly Z et beaucoup d’autres. Ça sera un grand plateau très riche, et nous souhaitons que ça ait le même succès que ce qu’on a eu au CENASA. Le comité d’organisation s’en occupe.
Après le concert de Bobo-Dioulasso j’ai un album à sortir, au cours du concert au CENASA j’ai eu à présenter un Best off de trois CD, et l’ensemble de ces trois CD est constitué de 50 titres. On a sélectionné 50 titres de mon répertoire pour faire un coffret qui est déjà prêt à Bobo-Dioulasso. On prévoit sortir l’album souvenir qui est différent du coffret parce qu’il comporte de nouvelles chansons qui ne sont pas forcément connue. C’est de nouvelles chansons qui ont été édités pour faire l’album. C’est un album qui viendra clôturer la période du cinquantenaire de ma carrière. J’ai également un concert qui était prévu à l’Institut Français. Chaque année j’ai un spectacle là-bas mais cette année ce n’est pas trop sûr que ce spectacle puisse avoir lieu.
Infos Culture du Faso : Que retenez-vous de vos cinquante ans de carrière musicale ?
Abdoulaye Cissé : Cinquante ans, c’est juste passé hein. C’est à peine si je m’en rends compte. Je retiens beaucoup et très peu de choses de ces cinquante ans. Si je résume ma carrière qui a débuté depuis 1968 jusqu’à nos jours, deux évènement phare me reviennent en tête. Le jour où je suis arrivé à enregistrer ma toute première chanson avec l’orchestre Super Volta de la capitale, et avant ça, en 1966 où je me suis essayé avec ma guitare à la radio diffusion. Il y a de belles expériences que j’ai vécues avec les frères musiciens. J’ai parcouru également le monde, vu beaucoup de pays, beaucoup de scènes, beaucoup de spectacles, j’ai connu pas mal d’artistes en Europe en Afrique. Je ne suis pas peut-être riche en argent comme cela est le cas pour d’autres artistes sous d’autres cieux, mais je suis riche de toutes ces amitiés, de toutes ces expériences. J’ai vraiment en moi un trésor que je garde en moi pendant ces cinquante ans. [Rire]
Infos Culture du Faso : Que pensez-vous de la musique burkinabé actuelle ?
Infos Culture du Faso : Je dirais que la musique burkinabé bouge. Ça bouge au même rythme que le pays, au rythme du battement de cœur des burkinabé eux même. L’allure que nous voulons donner à notre musique, c’est cette allure là qu’elle prend. Donc je ne sais pas, si dans l’ensemble vous estimez que le pays là, ça va, dans ce cas-là la musique aussi ça va. Sinon à mon avis je pense que ça pourrait être mieux. C’est vrai qu’il y a beaucoup de jeunes talents aujourd’hui que ce soit du point de vu vocal, instrumental, création musicale, les artistes ont un niveau qui n’est pas mal du tout et qui peut s’imposer n’importe où. Mais le problème c’est le produit que nous sortons, comment ça fait qu’il ne soit pas jusqu’ici exporté, est-ce à dire qu’il n’est pas exportable ? Voilà la grande question. Il y a beaucoup de choses liées à ce contexte-là, on ne peut pas dire que c’est de la faute des artistes, que c’est la faute du public ou des opérateurs culturels, mais le phénomène est global. Le pays est en arrière sur le plan musical parce que nous ne sommes pas connus à l’extérieur.
Infos Culture du Faso : Quelles solutions proposées vous ?
Abdoulaye Cissé : La solution, il faut aller la chercher dans des réformes, dans la manière de voir notre show biz. Parce que jusqu’ici notre show biz est basé sur du « à manger tout de suite et maintenant « si je peux m’exprimer ainsi. On ne va pas trop loin, on n’a pas de vision future concernant la culture. Au plan musical et artistique, ça il faut le dire tout ce qu’on fait c’est pour maintenant on ne planifie pas pour le futur. Maintenant c’est comment faire pour permettre aux acheteurs étrangers d’acheter notre musique et l’emporter à l’étranger à l’instar de la musique du Mali du Sénégal ou même du Niger où les artistes tournent beaucoup dans le monde et font des promotions. Pourquoi nous, on ne peut pas le faire ? Est-ce à dire que nous ne sommes pas intelligents que les autres ? Est- ce que nous sommes moins forts que les autres ? Moi, je ne crois pas. Je pense qu’il faut trouver un système pour intéresser les gens. Même au niveau du marché des spectacles, on se contente juste d’aller souvent faire du Play back. On se contente d’aller faire des mini spectacles sur les scènes à l’étranger et on se dit qu’on a fait des tournées à l’international, mais non. Une tournée internationale avec des produits sur Play back, personne ne s’intéressera à ça. Il faut de grosses maisons comme Sony par exemple qui ont eu à prendre Awa Boussim. Même si au plan national elle n’est pas assez connue sur le plan international elle a son mot à dire. C’est comme le cas de Victor Dèmè. Il faut donc changer cette donne-là, il faut avoir une autre vision, savoir ce qu’on veut faire de notre art au Burkina.
Infos Culture du Faso : Abdoulaye Cissé prendra-t-il une retraite dans la musique ?
Abdoulaye Cissé : Prendre la retraite cinquante ans après, non je ne crois pas, cela n’est pas à l’ordre du jour. La musique n’est pas un domaine où on prend la retraite. Je n’ai que 70 ans il ya des aînés qui sont plus âgés que moi et qui font toujours la musique et qui ont des agendas à remplir partout dans le monde. Ce n’est pas moi à 70 ans je vais dire c’est bon. Ça c’est le fort des Burkinabé de dire « eh » il est vieux maintenant il n’a qu’à laisser la place aux jeunes alors que dans la musique ce n’est pas une question de place. La place aux jeunes ça c’est dans le football où à 34 ans qu’il joue ou pas il cède la place, mais dans la musique c’est différent parce que dans la musique il n’y a pas de place à prendre. Ma place c’est ma place, ta place c’est ta place, il n’y a pas de place à prendre. Même si c’est moi qui décide d’arrêter la musique je peux jamais être remplacé même si je forme quelqu’un je ne pourrais jamais le remplacer non plus. C’est la route que Dieu ta tracé et que tu as prise, moi je t’ai donné juste les outils. Chacun remplis sa mission jusqu’au bout, jusqu’au jour où tu déposes ton instrument. Si Dieu me donne la force, c’est le jour de ma mort que je vais prendre ma retraite.
Infos Culture du Faso : Votre dernier mot ?
Abdoulaye Cissé : Un grand merci à vous qui avez pensé à nous rencontrer à notre retour du FONY 2018. Merci à la communauté burkinabé vivant à New York. Merci au ministère de la culture qui a mis les bouchés double pour qu’on puisse être là-bas. Et grand merci à un monsieur qui s’est donné corps et âme, qui a une bonne vision de la culture, c’est M. TRAORE qui est le Directeur des Industries culturelles au niveau du ministère de la culture. Bon vent au FONY et longue vie aux organisateurs.
Interview réalisée par Parfait Fabrice SAWADOGO