Plat modeste et profondément enraciné dans les traditions ouest-africaines, le riz soumbala ne paie pas de mine. Pourtant, derrière sa recette simple se cache une richesse gustative, culturelle et nutritionnelle que peu de plats du quotidien peuvent égaler. Focus sur un mets qui incarne l’identité d’un peuple.

Le riz soumbala fait partie de ces plats qu’on ne présente plus dans de nombreux foyers d’Afrique de l’Ouest. Au Burkina Faso notamment, il est aussi courant que le tô ou le riz gras. Servi aussi bien dans les maisons que dans les gargotes de quartier, il symbolise une cuisine du quotidien, à la fois économique, nourrissante et pleine de caractère. Si ce plat continue de traverser les générations sans perdre de sa pertinence, c’est surtout grâce à un ingrédient phare : le soumbala. Condiment fermenté à base de graines de néré, le soumbala est une véritable « arme secrète » de la cuisine traditionnelle, au même titre que les cubes bouillon dans d’autres cultures, mais en version 100 % naturelle et locale.

Le soumbala, le cœur du goût
Produit artisanalement par les femmes rurales, le soumbala se présente sous forme de boules ou de pâte sombre à forte odeur, résultat d’un long processus de fermentation. Il est apprécié non seulement pour son goût umami si particulier, mais aussi pour ses valeurs nutritionnelles : riche en protéines, en calcium, en fer, il participe à une alimentation équilibrée et accessible.
Dans les marchés burkinabè, on le trouve à l’état brut, souvent enveloppé dans des feuilles, prêt à être intégré à une multitude de recettes. Utilisé avec parcimonie mais intelligence, il confère au riz soumbala une saveur unique, légèrement âcre et profondément enracinée dans les terroirs.

Une recette simple, des variantes infinies
Côté préparation, le riz soumbala est à la portée de toutes les mains. Il suffit de faire revenir des oignons dans un peu d’huile, d’y ajouter des tomates fraîches ou du concentré, de l’ail, du piment et le fameux soumbala écrasé. Ce mélange forme la base d’une sauce légère dans laquelle on ajoute de l’eau et le riz cru. Le tout est cuit à feu doux, jusqu’à absorption complète du liquide.
Selon les régions, les moyens ou les envies, la recette peut être enrichie : haricots, feuilles vertes, poisson fumé, viande séchée ou même petites crevettes séchées viennent agrémenter ce plat et en faire un repas complet. Le résultat est un mets copieux, économique et profondément savoureux.

Un plat à haute valeur symbolique
Le riz soumbala n’est pas qu’un repas ; c’est un symbole de transmission, un repère culturel. Il accompagne les journées ordinaires, les travaux des champs, les pauses de midi en famille, ou les réunions amicales. À une époque où les plats industrialisés envahissent les étals et les habitudes, il incarne une forme de résistance douce et de fierté identitaire.
Derrière ce plat se cachent également les femmes productrices de soumbala, gardiennes d’un savoir-faire ancestral. Leur travail, encore trop peu valorisé, contribue à l’autonomie économique locale tout en préservant un pan du patrimoine culinaire africain.

Vers une revalorisation contemporaine
Aujourd’hui, certains chefs burkinabè ou africains réinventent le riz soumbala, le revisitant dans une perspective gastronomique. Dressé à l’assiette, accompagné d’éléments modernes, il devient l’ambassadeur d’une cuisine africaine en pleine renaissance, fière de ses racines.
Il est temps que le riz soumbala quitte les marges de l’informel pour trouver sa place dans les menus urbains, les émissions culinaires, les restaurants, voire les circuits de valorisation touristique. Car il raconte une histoire d’ingéniosité, de mémoire et de goût, qu’aucun autre plat ne saurait imiter.
Crédit photos : Mam Sank
✍️ Fabrice Parfait Sawadogo