Chez les Mossé, peuple majoritaire du Burkina Faso, l’organisation politique traditionnelle repose sur un système hiérarchisé, complexe et millénaire. Fondée sur le Naam, principe fondamental du pouvoir coutumier, cette structure articule rôles, titres et responsabilités autour de figures centrales telles que le Dima, les Kombemba et les nombreux Naba. Zoom sur un système politique encore vivant, pilier des royautés mossi.

Dans l’univers politique traditionnel mossi, le pouvoir ne s’improvise pas. Il se transmet, se mérite et se respecte. Le Naam, concept fondamental, désigne le pouvoir d’autorité conféré par les ancêtres. Être investi du Naam, c’est devenir une autorité morale et politique. Toute personne détenant ce pouvoir est appelée Naba, un titre qui traverse les échelons hiérarchiques, du roi au chef de village. Mais derrière ce mot unique se cache une stratification précise, fruit d’une organisation sociale rigoureusement codifiée.

Le Dima, figure royale suprême
Au sommet de la pyramide du pouvoir mossi se trouve le Dima, appelé aussi Pangsoaba en mooré. Il incarne l’autorité suprême du royaume. En français, on l’appelle tout simplement le roi, avec le protocole de Sa Majesté. Le Dima est bien plus qu’un chef symbolique. Il est le garant de la tradition, le juge coutumier ultime, le chef religieux dans de nombreuses pratiques rituelles, et le centre d’un pouvoir qui articule spiritualité, politique et cohésion sociale.
Son royaume est structuré en cantons (Komberetenga), chacun administré par un chef placé sous son autorité. Entouré de conseillers, de dignitaires, de notables et de prêtres coutumiers, le Dima est également un acteur central des grandes décisions culturelles, politiques ou sociales.

Les Kombemba, les relais du pouvoir royal
Sous l’autorité du Dima, on retrouve les Kombemba, chefs de canton. Chaque Kombéré (chef de canton) dirige un Komberetenga, c’est-à-dire un territoire important qui regroupe plusieurs villages ou quartiers. Ils sont eux-mêmes des Dim-bissi, c’est-à-dire des enfants ou descendants du Dima, ce qui leur confère une légitimité forte dans la tradition.
En reconnaissance de leur rang, les Kombemba portent le titre d’Excellence. Cependant, parmi eux, certains bénéficient d’un statut plus singulier : celui de Dimbila, ou « petit Dima ». Ce titre spécifique est réservé aux chefs de principautés reconnues comme ayant une relative autonomie dans la sphère du pouvoir royal. On parle ainsi du Dimbila de Téma, du Dimbila de Mané, ou encore de celui de Boussouma, dont l’autorité dépasse le cadre d’un simple canton.

Les Dimbi et Na-bonlsé, les échelons intermédiaires
Entre le roi et les chefs de cantons gravitent les Dimbi, qui sont des figures de pouvoir proches du Dima : ses frères, oncles ou fils, souvent appelés à des rôles politiques, judiciaires ou religieux. Leur fonction n’est pas forcément territoriale, mais elle reste stratégique dans l’appareil coutumier du royaume. Ils participent aux grandes assemblées, aux rituels d’État, et peuvent être désignés comme conseillers royaux ou chefs de guerre.
À la base de la hiérarchie, les Na-bonlsé représentent l’autorité coutumière de proximité. Ils sont chefs de quartiers, de hameaux ou de petits villages. Leur rôle est essentiel dans la vie quotidienne : médiateurs sociaux, organisateurs des rituels locaux, garants des valeurs traditionnelles. Bien que de rang inférieur, ils sont eux aussi appelés Naba, selon le principe que toute personne investie du Naam mérite ce titre, quel que soit son niveau.

Une hiérarchie encore vivante
Loin d’être un vestige folklorique, cette organisation politique traditionnelle continue d’exister et d’exercer une réelle influence, notamment dans les régions rurales du Burkina Faso. Les chefs coutumiers jouent un rôle reconnu dans la gestion des conflits, la préservation des terres, les rites de passage ou encore la mobilisation communautaire.
Dans certains cas, ils sont appelés à collaborer avec les autorités administratives de l’État moderne, notamment dans le cadre de cérémonies officielles ou de consultations communautaires. La coexistence entre structures républicaines et autorités coutumières crée un équilibre fragile mais fonctionnel, surtout dans des zones où l’attachement à la tradition reste très fort.

Le Naam, une sagesse politique toujours actuelle
La richesse du système mossi réside dans sa capacité à structurer le pouvoir autour de valeurs ancestrales : respect, dignité, filiation et responsabilité. À travers le Naam, le peuple mossi a conçu une organisation politique fondée sur la transmission, l’équilibre et le lien entre le monde visible et invisible. Les titres de Dima, Kombéré, Dimbi ou Na-bonlsé ne sont pas de simples appellations : ils traduisent des fonctions précises, inscrites dans l’histoire et toujours pertinentes dans le présent. En cela, l’organisation traditionnelle mossi reste un patrimoine vivant, porteur de sens et d’harmonie.
Parfait Fabrice SAWADOGO ( journaliste Culturel )