Entre légende et histoire, la fondation du royaume du Yatenga illustre l’un des récits les plus fascinants de la royauté mossi, mêlant trahison, pouvoir, figures féminines marquantes et vengeance tragique. Grand aperçu sur l’histoire fascinante de cet emblématique royaume situé au Nord du Burkina Faso.
Au XIIIe siècle, à la cour du Moogho, tout semblait indiquer que le prince Yadega, fils aîné du roi Nassibiri, serait l’héritier du trône. Mais fidèle à la coutume, le roi l’envoie dans le royaume de Minima pour y être formé aux responsabilités princières, loin des intrigues de la cour. Ce qui devait être un tremplin vers la royauté se transforme en destin contrarié.
Le décès de son père est tenu secret par le Naaba Souido, roi de Minima, devenu très attaché à Yadega. C’est une femme, au détour d’un puits, qui dévoile involontairement la vérité en reprochant au prince son comportement hautain : « C’est à cause de ta méchanceté que ton père est mort, et on refuse de te le dire ! » Le choc est immense. Yadega rentre précipitamment à Ouagadougou où il découvre que son jeune frère Koundoumié, resté auprès du défunt roi, a été désigné successeur.
Ce choix du conseil royal est conforme aux rites et désirs du roi Nassibiri. La succession s’était jouée à huis clos, sans la participation de Pabré, fille aînée du roi et régente durant l’interrègne. Détenant les fétiches royaux (le naam téedo, le naam woubri et le naam gaando), elle se range du côté de son frère Yadega, qu’elle juge spolié de son droit d’aînesse. Par loyauté et amour fraternel, elle s’enfuit avec lui dans la nuit, emportant les symboles du pouvoir. C’est là que commence la véritable épopée du royaume du Yatenga.
Après un court séjour à Bonwedogo puis à Tangzougou, Yadega nourrit une rancune tenace envers son père adoptif, Naaba Souido, qu’il juge responsable de ses malheurs. Il orchestre une vengeance brutale et macabre : attiré dans un guet-apens, Souido est précipité dans un puits dissimulé et ébouillanté par les femmes de Yadega. Cet acte signe la fin d’un chapitre douloureux et le début d’une ère de conquête.
Yadega repousse les Ninissi et les Kibissi qui contrôlaient la région du nord et fonde ainsi le royaume du Yatenga, vers le milieu du XVIe siècle. À travers cette fondation, il incarne la revanche du fils exilé, le héros injustement écarté du trône, devenu souverain d’un royaume puissant. Le nom « Yatenga » viendrait d’ailleurs de Yadega, enracinant son nom et son héritage dans la mémoire collective des Mossi.
Pabré, restée dans l’ombre des annales officielles, apparaît dans cette épopée comme une figure féminine centrale. En tant que Napoko, elle a assuré la transition du pouvoir et offert à son frère les moyens de rebondir et de fonder un nouvel ordre. Son rôle rappelle celui de leur ancêtre Yennenga, autre femme de pouvoir et matrice symbolique des royaumes mossi.
Le Yatenga, avec pour capitale Ouahigouya, s’imposa dès lors comme un royaume guerrier, résistant farouchement aux invasions peules et jouant un rôle stratégique dans la configuration politique du pays mossi. Cette mémoire héroïque reste vivante dans les récits oraux, les chefferies traditionnelles et l’identité culturelle de la région.
Aujourd’hui encore, cette histoire mêlée de traditions et de faits, transmise de génération en génération, renforce le prestige du Yatenga, royaume né du refus de la résignation, de la fidélité d’une sœur, et de la volonté farouche d’un homme de reconquérir sa destinée.
✍️ Parfait Fabrice SAWADOGO
Journaliste culturel – Infos Culture du Faso
