ven 18 juillet 2025

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Le mariage chez les Dagara : entre rites ancestraux et engagements durables

Au cœur du sud-ouest burkinabè, là où les terres rouges côtoient les collines boisées, le mariage chez les Dagara dépasse largement la simple union entre deux êtres. C’est une alliance sociale profonde, un contrat ancestral qui lie deux familles, deux lignées et surtout deux clans dans une société fondée sur une organisation matrilinéaire. Le mariage dagara est avant tout une affaire de clans (doglou ou yiilou), bien avant d’être une question de nom de famille : les liens de sang, d’alliance et d’histoire entre clans dominent les identités matronymiques.

Une société matrilinéaire aux alliances complexes

La société dagara repose sur une filiation matrilinéaire, dans laquelle c’est le nom (bèlou) de la mère qui est transmis à l’enfant une reconnaissance du fait que seule la femme peut certifier de sa maternité. Ce système honore la place centrale de la femme dans la lignée. Les noms de famille (ou bèlou en langue dagara), transmis par la mère, sont au nombre de sept : Somé, Kpoda, Somda, Meda, Dabiré, Kambiré, Hien.

Parallèlement, les clans (doglou ou yiilou) constituent la véritable architecture sociale. Parmi eux, on peut citer : Kièlè, Kpagnawnè, Bekounè, Mètuolè, Kusiélé, Zagè… Le mariage s’organise donc dans une dynamique de respect strict des appartenances et des interdits entre clans.

Une rencontre discrète, un engagement progressif

Le processus débute souvent dans la discrétion : lors des marchés, des fêtes ou des rencontres familiales. Le jeune homme, parfois aidé par des amis, fait part de son intérêt à une jeune fille. Si celle-ci accepte deux rendez-vous nocturnes, cela est interprété comme un feu vert pour entamer les négociations.

Sous la médiation d’une parente, la jeune fille quitte alors discrètement la maison familiale pour rejoindre celle du prétendant. La famille du garçon envoie un message : « Votre fille est chez nous. » Le silence des parents, durant deux jours, vaut alors acceptation implicite. Ensuite, de jeunes représentants du futur mari se rendent chez le beau-père pour s’enquérir des conditions de la dot, après avoir participé au travail champêtre pour démontrer leur sérieux.

La dot : socle de l’alliance, reflet du respect

Loin d’être une simple compensation, la dot est un pacte vivant, ajusté selon la manière dont la mère de la future épouse a elle-même été dotée. On ne peut ni l’augmenter ni la diminuer, sauf circonstances exceptionnelles (lien fort entre familles, faiblesse des moyens, etc.).

Elle s’effectue en plusieurs phases :

Première dot : 360 cauris, une pintade, une poule. Sans cet acte initial, aucun enfant issu de l’union ne pourra être reconnu par le père.

Deuxième dot : entre 12 000 et 16 000 cauris, avec l’obligation pour le gendre de travailler au champ du beau-père au moins quatre fois par saison des pluies, pendant plusieurs années.

Dot finale : deux bœufs (mâle et femelle), chacun accompagné d’une poule, 1 000 cauris pour « refermer les empreintes » des sabots, et 500 cauris pour les beaux-frères.

En cas de manquement ou pour raffermir l’union, une « dernière vache », évaluée à 7 000 cauris, peut être exigée par la famille de l’épouse.

Malgré la raréfaction des cauris aujourd’hui, leur valeur symbolique reste intacte. Leur équivalent en francs CFA est admis, mais ne change rien à l’esprit de la dot, perçue comme un engagement solennel, une preuve de respect, et non un achat.

Une tradition vivante dans un monde en mutation

Une fois la dot achevée, la femme est officiellement intégrée dans la concession du mari, où elle est considérée comme un membre à part entière. Bien que le droit burkinabè interdise formellement la dot, la tradition dagara continue de primer dans les villages, où elle structure encore la vie sociale.

Ce système, bien qu’ancestral, s’adapte. Certains ajustements permettent aux jeunes générations de l’honorer tout en tenant compte des réalités économiques actuelles.

Une institution en perpétuelle construction

Le mariage dagara est un cheminement, non un événement ponctuel. Il ne se conclut pas le jour de la cérémonie, mais se construit jour après jour, dans le respect des anciens, dans l’endurance, et dans les efforts partagés. Il incarne la manière dont une communauté articule mémoire et modernité, clan et individu, coutume et adaptation.

Dans cet équilibre subtil, la dot est le fil invisible qui lie les familles à travers le temps. Le mariage dagara n’est pas un simple contrat social : c’est un acte de responsabilité, de solidarité et de transmission, enraciné dans la terre, la parole, et le clan.

Parfait Fabrice SAWADOGO
Journaliste Culturel – Infos Culture du Faso

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