Le ciel chargé de nuages et la fraîcheur humide qui s’installe annoncent bien plus que la saison des pluies dans les rues de Bobo-Dioulasso. Elles signalent l’arrivée d’un mets saisonnier profondément ancré dans les habitudes alimentaires et culturelles locales : le chitoumou, nom donné aux chenilles du karité, prisées pour leur richesse nutritive et leur goût unique.

Chaque année, au cœur des quartiers périphériques et des zones rurales environnantes, les populations s’activent dès l’aube pour récolter ces petites larves dodues. Perchées sur les feuilles des arbres de karité, elles sont délicatement ramassées à la main, dans un rituel bien connu des femmes et enfants qui en font une activité génératrice de revenus, mais aussi un geste de transmission culturelle.

Une filière artisanale bien rôdée
Après la récolte vient l’étape de la transformation. Lavé soigneusement, le chitoumou est ébouillanté, puis séché au soleil ou fumé pour une conservation plus longue. Il se vend frais ou transformé sur les marchés de Bobo-Dioulasso, où son prix varie selon l’abondance de la saison. En cuisine, il se décline sous diverses formes : frit pour un côté croustillant, mijoté dans des sauces traditionnelles comme le soumbala ou la pâte d’arachide, ou encore réduit en poudre pour accompagner les bouillies et enrichir les repas.

Une richesse nutritionnelle insoupçonnée
Derrière ce mets rustique se cache un véritable trésor nutritionnel. Le chitoumou est naturellement riche en protéines, fer, vitamines B, calcium et oméga-3. Il constitue une source essentielle de nutriments pour les populations, notamment celles à faible pouvoir d’achat. En milieu scolaire ou dans les programmes de nutrition, sa consommation est souvent recommandée pour lutter contre la malnutrition. Lire aussi ici : https://www.infosculturedufaso.net/art-culinaire-le-chitoumou-ou-la-chenille-de-karite/

Un symbole de mémoire et d’identité
Mais au-delà de ses bienfaits nutritionnels, le chitoumou est aussi porteur de sens. Il évoque les souvenirs d’enfance, les repas communautaires, les valeurs de résilience et de transmission intergénérationnelle. C’est un aliment identitaire, qui relie les communautés à leur environnement naturel et à leur culture. À Bobo-Dioulasso, il est perçu comme un héritage à valoriser, un savoir-faire culinaire transmis sans bruit, mais avec fierté.

Un avenir durable à préserver
Dans un contexte où la souveraineté alimentaire devient un enjeu de société, le chitoumou illustre parfaitement la richesse de ce que la nature et les traditions peuvent offrir. Il rappelle qu’il est possible de manger local, sain et durable, tout en préservant une culture culinaire authentique.

Le chitoumou, bien plus qu’un simple mets saisonnier, incarne une richesse plurielle : culinaire, économique, culturelle et écologique. Dans les familles comme sur les marchés de Bobo-Dioulasso, il témoigne d’un savoir-faire local transmis avec soin, d’un lien profond entre l’homme et son environnement, et d’une capacité remarquable à valoriser les ressources naturelles. À l’heure où le retour aux produits locaux s’impose comme une voie durable, le chitoumou se dresse fièrement comme un exemple de résilience et d’intelligence collective. Préservé, promu et intégré dans les politiques alimentaires, il peut contribuer à renforcer la sécurité nutritionnelle et à affirmer l’identité gastronomique burkinabè, à la croisée de la tradition et de la modernité.
✍️ Parfait Fabrice SAWADOGO