Au-delà d’un simple changement de nom administratif, la désignation de la région du Sud-Ouest comme « région du Djôrô » marque une profonde reconnaissance des racines culturelles et des valeurs identitaires d’une partie emblématique du Burkina Faso.

Le mot Djôrô, tiré de la langue Lobiri, ne se résume pas à une pratique coutumière. Il incarne un véritable socle culturel, spirituel et moral chez les peuples Lobi, majoritaires dans cette région. Ce concept, profondément ancré dans les traditions, désigne un rite initiatique ancien, mais vivant, au cœur du fonctionnement social lobi.

Un rite initiatique fondateur
Dans la culture lobi, l’initiation au Djôrô est une étape déterminante, pratiquée tous les sept ans. Elle concerne aussi bien les hommes que les femmes, sans distinction. Ce rituel collectif marque le passage de l’enfance à l’âge adulte, de l’innocence vers la responsabilité, de l’ignorance vers la connaissance des fondements de la société.
Transmise oralement et pratiquée dans le secret des sanctuaires sacrés, l’initiation au Djôrô est hautement codifiée et structurée. Elle enseigne les valeurs essentielles à la cohésion sociale : intégrité, loyauté, bravoure, courage, respect des anciens et sens du devoir communautaire.

Un mode de vie enraciné dans la société
Le Djôrô ne s’arrête pas à l’initiation : il façonne durablement le comportement de l’individu. Celui ou celle qui a traversé cette étape est reconnu(e) comme citoyen(ne) accompli(e), prêt(e) à assumer ses responsabilités sociales, familiales et communautaires.
En ce sens, le Djôrô devient un véritable mode de vie, une manière d’être au monde. Il s’agit d’un cadre éducatif traditionnel qui joue un rôle clé dans la transmission des savoirs, la préservation des traditions et la formation d’une conscience collective forte.

Un patrimoine sacré, non destiné au spectacle
Contrairement à certaines croyances populaires, le Djôrô n’est pas une danse folklorique à exhiber lors des cérémonies publiques. Il ne se danse pas devant des non-initiés, car il relève de la sphère sacrée. Il est réservé aux seuls initiés, et ses expressions gestuelles ou rythmiques, parfois confondues avec des danses, ne peuvent être réduites à une simple performance artistique.
Cette précision est essentielle pour éviter les amalgames et respecter la profondeur spirituelle de cette pratique.

Une décision politique lourde de sens
En renommant la région du Sud-Ouest en « région du Djôrô », les autorités burkinabè ont souhaité rendre hommage à ce patrimoine vivant. Il s’agit d’une volonté forte de valoriser les cultures endogènes, en inscrivant dans l’espace administratif un élément symbolique de l’histoire et de l’identité du territoire.
Ce choix reflète aussi le rôle exemplaire des communautés du Sud-Ouest dans la préservation des valeurs fondatrices de la nation burkinabè : l’intégrité, la loyauté, le courage et la solidarité.

Un signal fort pour l’avenir
Dans un monde en mutation, marqué par la globalisation et les pertes de repères culturels, la région du Djôrô rappelle que les traditions ne sont pas des freins au progrès, mais bien des piliers solides pour construire l’avenir.
Le Djôrô est à la fois boussole morale, outil de résilience et école de citoyenneté. Que ce nom rayonne désormais comme symbole de fierté, d’identité et de transmission, au cœur du Burkina Faso.
Parfait Fabrice SAWADOGO
Journaliste Culturel – Infos Culture du Faso