Entre traditions séculaires, paysages aquatiques, festivals vibrants et trésors patrimoniaux, la région de Kuilsé, dans le Centre-Nord du Burkina Faso, se révèle comme un joyau culturel et touristique encore méconnu.

Kuilsé, qui signifie « cours d’eau » en mooré, tire son nom des nombreux plans d’eau qui irriguent son territoire : le fleuve Nakanbé, les lacs Bam, Dem et Sian. Ce lien profond avec l’eau façonne les modes de vie locaux, les pratiques agricoles, mais aussi les récits et symboles culturels. Composée de trois provinces le Bam (chef-lieu : Kongoussi), le Namentenga (chef-lieu : Boulsa) et le Sanmatenga (chef-lieu : Kaya), la région constitue un carrefour d’histoire, de cultures et de potentialités.
Une richesse culturelle enracinée
Dans les communes de Kongoussi, Boulsa ou Kaya, les traditions moaga et peulh s’expriment dans les danses, la musique, l’artisanat et les rituels. Parmi les danses emblématiques, le Warba, symbole de la fierté moaga, occupe une place centrale dans les cérémonies festives. On y retrouve également le Liwaga, danse d’hommage aux ancêtres et de mobilisation communautaire, ainsi que la danse Wedbindé, encore appelée « danse du cheval », qui incarne force, élégance et bravoure. Cette dernière est souvent exécutée lors des grandes fêtes et festivals, en hommage aux cavaliers et aux figures royales, avec des troupes en tenues traditionnelles simulant des mouvements équestres.

Ces formes artistiques racontent la mémoire, les liens sociaux et la spiritualité. Elles sont transmises de génération en génération, à travers les familles, les troupes traditionnelles et les événements communautaires.
À Kaya, capitale régionale, la vie culturelle est intense : troupes théâtrales, artistes plasticiens, forgerons traditionnels et groupes de musique animent les quartiers. Des centres culturels et maisons de jeunes permettent la transmission artistique entre générations, dans un esprit de continuité et de créativité.

Un site royal au service de la mémoire vivante
Dans la commune de Boussouma, le Roi du royaume de Boussouma œuvre activement à la préservation des identités culturelles. Il a initié la création du Keogo Royal, un site patrimonial et touristique d’exception. Véritable sanctuaire de la mémoire et de la tradition, le Keogo Royal valorise les rites, objets sacrés, savoirs ancestraux et liens spirituels liés à la chefferie traditionnelle.
Ce site offre non seulement un espace de transmission intergénérationnelle, mais aussi une destination culturelle ouverte aux visiteurs. Il incarne l’engagement des autorités coutumières dans la sauvegarde et la revitalisation du patrimoine, tout en s’inscrivant dans une perspective de développement touristique durable.

Un patrimoine métallurgique exceptionnel à Yamganghin
La région de Kuilsé abrite également l’un des plus impressionnants vestiges de l’ingéniosité technologique ancienne du Burkina Faso : le haut fourneau de Korsimoro, situé précisément dans le village de Yamganghin, dans la province du Sanmatenga. Ce fourneau traditionnel moaga, inscrit sur la Liste indicative du patrimoine mondial de l’UNESCO, est un témoin précieux du savoir-faire métallurgique ancestral.
Utilisé autrefois pour transformer le minerai de fer en outils et armes, ce haut fourneau témoigne d’une organisation sociale complexe et d’une maîtrise technique remarquable. Il constitue aujourd’hui une opportunité pour développer un tourisme patrimonial et éducatif, en lien avec les circuits scolaires, universitaires et culturels.

Une région de développement agricole et minéral
La commune de Korsimoro bénéficie également de la présence d’un barrage stratégique, qui permet la pratique de cultures maraîchères hors saison, notamment la tomate, l’oignon, le chou ou encore la laitue. Ces activités agricoles sont d’un grand intérêt socio-économique pour les populations locales, surtout les jeunes et les femmes, qui y trouvent une source de revenus et de stabilité alimentaire.
Sur le plan industriel, le sous-sol de la région recèle des gisements importants de clinker, une matière première essentielle à la fabrication du ciment. Les communes de Korsimoro et Boussouma sont aujourd’hui connues pour cette richesse géologique, qui attire l’intérêt des investisseurs et ouvre la voie à des partenariats pour le développement d’unités industrielles locales. Ce potentiel minéral, s’il est bien exploité dans le respect de l’environnement, pourrait devenir un levier fort de développement économique pour toute la région.

Des festivals qui valorisent les identités locales
Le Festival Wedbindé de Kaya, qui célèbre l’art de la forge et les traditions du Sanmatenga, est un rendez-vous culturel incontournable. Il attire des visiteurs venus découvrir les démonstrations de forgerons, les expositions d’artisanat, les concerts et les conférences sur les patrimoines locaux. Il symbolise l’unité entre la tradition et les aspirations modernes. Parmi les moments forts du festival, les prestations de danses traditionnelles telles que le Warba, le Liwaga et la danse Wedbindé offrent un spectacle riche en couleurs et en émotions.
À cela s’ajoute le Festival Kaya Nooma, qui valorise les cultures traditionnelles à travers des prestations artistiques, des défilés de mode inspirés des tenues traditionnelles, des contes et des conférences culturelles. Ces festivals sont des lieux de ressourcement culturel, de transmission et de rayonnement.
D’autres manifestations telles que les Journées culturelles de Boulsa, le Festival Warba de Kaya ou les rencontres artistiques de Kongoussi enrichissent le paysage culturel local et favorisent le développement économique à travers les arts, par la mise en réseau d’artistes, d’artisans et d’opérateurs culturels.

Une région du cuir et de l’artisanat
Kaya est également connue comme la capitale burkinabè de la maroquinerie. L’artisanat du cuir y occupe une place majeure, avec des ateliers produisant sacs, chaussures, valises, ceintures et nattes de prière. Cette spécialisation artisanale, transmise de génération en génération, contribue fortement à l’économie locale et à la renommée nationale de la ville.
L’implantation d’unités de production et la participation des artisans de Kaya aux foires et salons internationaux renforcent l’image de la région comme terre de savoir-faire artisanal.
Des paysages à fort potentiel touristique
Les cours d’eau qui traversent la région sont propices à l’écotourisme. Le lac Bam, l’un des plus grands lacs naturels du pays, est un site prisé pour la pêche, l’observation des oiseaux et les balades en pirogue. Ses berges paisibles pourraient accueillir des projets touristiques communautaires durables.
À proximité de Kaya, les collines, forêts sacrées et sites historiques constituent des itinéraires de randonnée culturelle encore peu exploités. Le fleuve Nakanbé, qui traverse la région, offre également un potentiel pour des excursions fluviales et des circuits éducatifs autour de l’eau et de l’environnement.

Une offre hôtelière en développement
Face à la montée des mobilités culturelles et professionnelles, la région de Kuilsé développe progressivement son infrastructure d’accueil. Kaya dispose de plusieurs établissements hôteliers tels que l’Hôtel Zama, l’Auberge de Kaya ou encore des résidences touristiques à vocation sociale. À Kongoussi, l’émergence de petites structures d’accueil favorise le tourisme local.
Des promoteurs culturels et hôteliers œuvrent à améliorer l’attractivité de la région, malgré les défis liés à l’accessibilité, à la formation et au financement. Le développement de circuits touristiques intégrés (patrimoine, culture, nature) représente une piste prometteuse.
Une terre de richesses humaines et naturelles
Kuilsé est bien plus qu’une simple région administrative. C’est une terre de mémoires, de traditions et de ressources naturelles exceptionnelles. Son haut fourneau de Yamganghin, son barrage de Korsimoro, ses gisements de clinker, ses festivals culturels, ses cours d’eau, son Keogo Royal et ses dynamiques créatives en font un territoire à fort potentiel. Avec une meilleure structuration de l’offre touristique, agricole et industrielle, cette région du cuir, du cuivre et des savoir-faire ancestraux peut s’affirmer comme un véritable pôle d’attractivité culturelle, patrimoniale et économique pour le Burkina Faso.
✍️ Parfait Fabrice SAWADOGO
Journaliste Culturel – Infos Culture du Faso