« WAA-MANEGBA », c’est le nom de la pièce de théâtre thérapeutique jouée pour la deuxième fois à la mairie de Gogo, dans la région du Centre-Sud. Conçue par l’Institut de Recherche du Théâtre Burkinabè (IRTB), cette création mêlant théâtre, conte et formation psychique vise à apaiser les traumatismes vécus par les femmes déplacées internes (FDI).
La représentation a eu lieu dans la matinée du samedi 17 mai 2025, devant plus d’une centaine de spectateurs venus de la commune de Gogo et de Manga. Une pièce thérapeutique au service de la résilience sociale et individuelle.
Débuté en janvier dernier, ce projet a permis à une vingtaine de femmes déplacées internes de restituer le fruit de leur apprentissage à travers des ateliers de théâtre thérapeutique. Issu du programme « Théâtre de l’apaisement » porté par l’IRTB avec à sa tête Paul Zoungrana, ce projet ne se limite pas au théâtre. Il a également accompagné les participantes dans la création d’activités génératrices de revenus, pour leur permettre de vivre dignement et de s’épanouir.
Pendant plus de 80 minutes, les comédiennes ont évolué sur scène dans une salle comble à la mairie de Gogo. Les thèmes abordés incluaient l’insertion socioprofessionnelle des PDI, le vivre-ensemble, la chefferie traditionnelle, et bien d’autres encore. Joués entièrement en langue mooré, les spectacles ont intégré la participation d’une psychologue professionnelle, qui a dispensé des consignes pratiques pour faire face au traumatisme.
Les comédiennes ont interagi activement avec le public, qui a été invité à formuler des recommandations pour améliorer la cohésion sociale. L’ensemble du spectacle s’est déroulé sous le regard bienveillant de Paul Zoungrana, l’éminent homme de culture à l’origine du projet.
Fait remarquable : ces femmes, il y a un an, n’avaient aucune expérience du théâtre. Comme l’explique M. Zoungrana : « Nous avons commencé avec un groupe de femmes à travers des ateliers de théâtre thérapeutique pour apaiser les traumatismes. Ensuite, nous les avons divisées en trois groupes pour les former à des activités génératrices de revenus, comme la fabrication de savon liquide et d’objets en perles. Nous leur avons fourni le matériel nécessaire pour démarrer une activité. Enfin, depuis le 10 mai, nous avons lancé une campagne de théâtre thérapeutique avec la troupe nouvellement constituée. Nous espérons toucher entre 1 000 et 1 500 personnes déplacées internes à travers cette série de représentations. »
Présente dans la salle, Madame Noël Zongo, directrice provinciale en charge de l’action humanitaire dans le Zoundwéogo, a salué l’initiative. « La commune de Gogo a été judicieusement choisie, car elle accueille un grand nombre de déplacés internes. Je suis émerveillée par la prestation des femmes. Cela montre qu’elles ont été bien formées par l’IRTB. Le spectacle a véhiculé des messages puissants sur la stigmatisation, la cohésion sociale, la gestion du traumatisme et la parenté à plaisanterie. »
La psychologue Marie Cécile Kando, épouse Ouoda, qui a accompagné les participantes durant toute la formation, a confirmé les bienfaits du projet : « À leur arrivée, ces femmes souffraient d’insomnies, de stress, d’angoisse et perdaient l’appétit. Grâce à ce travail thérapeutique, elles ont retrouvé un équilibre, peuvent mieux gérer leur stress et réintégrer leur communauté. »
Assata Dianda, l’une des participantes venue de Barsalogho, témoigne : « Quand on est arrivé, on avait peur, on n’osait pas regarder les gens. On nous a parlé de « médicament », on pensait à des comprimés. Finalement, cette formation nous a transformées. Un vieux, après avoir vu notre spectacle, a confié qu’il n’arrivait pas à tolérer les Peuls. Aujourd’hui, il dit avoir abandonné cette haine. »
Le projet « Théâtre de l’apaisement » regroupe au total 90 femmes formées dans diverses activités génératrices de revenus : 37 femmes sont désormais capables de produire et commercialiser du savon liquide, 22 sont outillées pour créer des objets en perles, et 31 ont été formées au théâtre, constituant une troupe active avec un spectacle déjà à leur actif.
Modou Traoré (collaborateur)
