À l’espace WEETO de Pabré, deux artistes burkinabè explorent les blessures visibles et invisibles du réel dans un dialogue saisissant entre peinture et photographie. Ce samedi 10 mai 2025, l’espace artistique WEETO, niché au cœur de la commune rurale de Pabré, a vibré au rythme de l’art contemporain burkinabè. L’exposition « Des cieux à la terre », imaginée et orchestrée par le curateur Moïse Ouédraogo, a réuni deux artistes dont les démarches, bien que distinctes, se rejoignent dans leur capacité à révéler la profondeur du quotidien : Harouna Ouédraogo, peintre d’expression, et Nomwindé Vivien Sawadogo, photographe documentaire.
Une dualité expressive au service de la mémoire collective
D’un côté, Harouna Ouédraogo présente sa série « Out-of-Lines », véritable plongée dans un univers pictural fragmenté, où les visages se décomposent et se recomposent à travers des gestes bruts et spontanés. Originaire de Ouahigouya, l’artiste inscrit son travail dans une quête identitaire profonde, nourrie par les tensions de la contemporanéité africaine. « Construire, déconstruire, reconstruire sont des actions que j’utilise souvent dans mon travail », confie-t-il.
En face, Nomwindé Vivien Sawadogo livre avec « Le Purgatoire de Peaux » une série photographique à la fois poignante et digne, captant les gestes silencieux des ouvriers d’un marché de transformation de peaux animales à Ouagadougou. Loin de tout misérabilisme, son regard interroge la condition humaine, la mémoire du travail, et les traces laissées par l’histoire sur les corps et les espaces.
Le dialogue entre les deux démarches, magnifiquement mis en scène par Moïse Ouédraogo, crée une tension féconde entre abstraction et documentaire, spiritualité et matière, ciel et terre. Le vernissage, honoré par la présence du Directeur général du FESPACO, du Directeur du Goethe-Institut et de nombreux artistes plasticiens, a confirmé la force émotionnelle et intellectuelle de cette exposition.
L’Espace WEETO : un catalyseur culturel en pleine brousse
Au-delà des œuvres, le lieu d’accueil de l’exposition mérite lui aussi le détour. L’Espace WEETO, fondé par Harouna Ouédraogo lui-même, n’est pas un simple centre d’art. Situé à Pabré, à quelques kilomètres de Ouagadougou, ce lieu incarne une vision audacieuse et nécessaire de la décentralisation culturelle au Burkina Faso.
Pensé comme un espace de dialogue entre disciplines arts plastiques, théâtre, danse, musique, design. WEETO s’impose comme un incubateur de synergies créatives, en lien étroit avec les acteurs existants : galeries, festivals, institutions et communautés locales. À travers des expositions temporaires, résidences d’artistes, ateliers pédagogiques et événements conviviaux, l’espace vise à démocratiser l’accès à la culture et à sensibiliser un public souvent éloigné des pratiques artistiques.
En s’implantant en zone rurale, l’Espace WEETO répond à un double enjeu : déconcentrer l’offre culturelle et réinventer la relation entre art et territoire. Il s’inscrit ainsi dans une dynamique de renouvellement des scènes artistiques nationales, en contribuant à l’émergence de talents et à la valorisation des formes contemporaines d’expression.
« Des cieux à la terre » illustre avec force et sensibilité ce que peut produire une rencontre entre visions, disciplines et ancrages. Une exposition à voir, un espace à soutenir, et un souffle artistique à suivre de près.
Parfait Fabrice SAWADOGO
