À quelques kilomètres au sud de Bobo-Dioulasso se trouve un site mystique où se croisent nature, croyances et rites ancestraux : Dafra. Ce lieu sacré, où vivent des silures dans une cuvette naturelle alimentée par une cascade, accueille chaque semaine des visiteurs en quête de bénédictions, de guérison ou de prospérité. À Dafra, les éléments naturels et le sacré cohabitent dans un équilibre ancestral qui inspire respect et silence.

Ce site impressionne par sa simplicité et son aura spirituelle. Situé à environ 8 kilomètres de la ville, il s’ouvre dans une cuvette naturelle formée par le marigot Houet. Dans ses eaux paisibles nagent des silures, poissons considérés comme inviolables. On ne les pêche pas, on ne les mange pas, mais on les vénère. Véritables messagers entre les hommes et les esprits, ils sont au centre d’un système de croyances vivace transmis de génération en génération.

Un centre de dévotion et de rituels
Dafra est avant tout un haut lieu de culte traditionnel. Il attire des fidèles de tout le pays et même d’au-delà des frontières, venus exprimer des vœux, remercier pour des faveurs reçues ou solliciter une grâce. Les intentions sont multiples : santé, fécondité, emploi, succès ou paix intérieure.

Les rituels sont codifiés et souvent conduits par des guides spirituels ou des initiés. Les offrandes fréquemment des animaux sont faites dans le respect de traditions strictes. Le sang versé dans l’eau est censé attirer les silures. Leur apparition est perçue comme un bon présage, une réponse favorable des esprits.
Mais Dafra n’est pas seulement un espace de croyance : c’est un acte culturel, une pratique enracinée dans l’identité bobo et plus largement dans l’héritage spirituel du Burkina Faso.

Des règles sacrées à respecter
Le caractère sacré du lieu impose des comportements rigoureux. Il est formellement interdit de porter des habits rouges ou des bijoux en or. Ces éléments sont considérés comme tabous, susceptibles de provoquer le rejet du rituel par les esprits, voire des sanctions spirituelles. Les visiteurs sont donc appelés à l’humilité, au respect des lieux, et à la sobriété dans leur apparence et leurs gestes.
Contrairement à certaines idées reçues, le site est accessible tous les jours, mais dans un esprit de recueillement et selon les recommandations des guides traditionnels.

Une nature menacée : un sanctuaire en danger
Malgré sa puissance symbolique, Dafra n’est pas épargné par les agressions environnementales. Les silures sacrés et le marigot qui les abrite sont aujourd’hui menacés par la pollution, l’ensablement, les dépôts d’ordures, les travaux de construction aux alentours, et les rejets d’eaux usées par certaines structures. Ce sanctuaire, autrefois préservé, subit de plus en plus les effets de l’activité humaine incontrôlée.

Face à cette situation alarmante, des mesures urgentes s’imposent. Il revient aux communautés riveraines, aux autorités locales et aux défenseurs du patrimoine de mettre en place une protection durable du site. Car au-delà de sa portée spirituelle, Dafra est aussi un trésor écologique et un repère culturel dont la disparition constituerait une perte irréparable pour la mémoire collective.

Dafra n’est pas un simple lieu de passage ni un simple paysage naturel. C’est une mémoire vivante, un sanctuaire à la fois spirituel et écologique, où le sacré se confond avec l’environnement. Préserver Dafra, c’est choisir de défendre ce lien fragile entre l’homme, la nature et le divin. C’est aussi honorer une tradition millénaire qui continue de faire battre le cœur spirituel de Bobo-Dioulasso et de tout un peuple.
Par Parfait Fabrice SAWADOGO