mer 30 avril 2025

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Cencengu : le tissu identitaire du Gulmu

Ancré dans la tradition des Gourmantchés, le Cencengu est un tissu emblématique de l’Est du Burkina Faso. À la fois support de mémoire, marqueur culturel et expression artistique, il témoigne du savoir-faire ancestral des tisserands du Gulmu et d’une volonté de transmission intergénérationnelle.

Une origine profondément ancrée dans la tradition gulmancé

Le terme Cencengu vient du gulmancéma et désigne le tissu en tant que tel. Il est étroitement lié à la culture des Gourmantchés, peuple majoritairement installé dans la région de l’Est du Burkina Faso. Selon les anciens, ce tissu aurait toujours existé, utilisé pour marquer les étapes de la vie, habiller les chefs, accompagner les funérailles ou célébrer les mariages.

Il existe deux grandes variantes du Cencengu : «l’une avec des traits, et l’autre sans. Ces traits, loin d’être de simples ornements, sont porteurs de significations symboliques. Ce tissu peut être confectionné à partir de fils bleus, rouges et noirs, ou uniquement en rouge et noir,» une variante connue sous le nom de Cencenmoangu.

Les motifs géométriques du Cencengu sont codés : lignes, damiers, losanges… chaque forme possède une signification. Par exemple, les lignes parallèles peuvent symboliser l’unité du clan, tandis que les formes en spirale évoquent la continuité de la vie. Les couleurs aussi parlent : «le blanc pour la pureté et la paix, le bleu pour la spiritualité, le rouge pour la vitalité ou la lutte».

Un pagne d’apparat chargé de rites

Le Cencengu est avant tout un pagne d’apparat, porté lors des grandes célébrations telles que les mariages, les sorties d’initiation ou les funérailles. Dans certaines zones comme la Tapoa, il occupe une place symbolique dans la dot : il est alors destiné à la mère de la jeune femme que l’on souhaite épouser.

Lors des rites funéraires, la tradition veut que la première fille et le premier garçon d’un(e) défunt(e) portent le Cencengu, marquant ainsi leur rôle dans l’héritage spirituel et social du disparu.

Un art textile porté par les mains des tisserands

Dans les villages du Gulmu, ce sont surtout les femmes qui tissent le Cencengu. Un art transmis de mère en fille, où chaque fil raconte une histoire. Mais certains hommes aussi s’y adonnent, perpétuant la tradition avec fierté.

Mme Alimata Tamboura, tisserande à Fada N’Gourma depuis plus de 30 ans, partage :
« Le Cencengu, c’est comme une langue. Chaque motif parle, chaque couleur a un sens. Quand je tisse, je raconte une histoire. »

Les artisans utilisent encore des métiers à tisser traditionnels, faits de bois et de ficelles, et travaillent souvent à la lumière naturelle, dans une atmosphère empreinte de silence et de concentration. C’est un art lent, exigeant, mais profondément spirituel.

Aujourd’hui, plusieurs coopératives de tisserandes s’organisent pour défendre ce savoir-faire, obtenir des formations, mieux vendre leurs produits et faire reconnaître leur métier. Des initiatives voient le jour pour encourager la transmission intergénérationnelle et préserver cet art en voie de disparition.

Du patrimoine au design contemporain

Grâce à des projets de valorisation comme L’âme tissée du Gulmu, le Cencengu entre dans une nouvelle ère. Des stylistes et créateurs contemporains le remettent au goût du jour, en l’intégrant à des collections modernes, tout en respectant ses codes d’origine. Des défilés, des expositions, des ateliers permettent de redécouvrir ce textile sous un angle artistique et identitaire.

Ainsi, le Cencengu n’est pas qu’un tissu : «c’est une mémoire tissée, une résistance douce face à l’oubli, un symbole vivant d’une culture qui continue de vibrer».

Parfait Fabrice SAWADOGO

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