mar 15 juillet 2025

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Boussang Touba : le goût du peuple Bissa, roulé dans la main et transmis dans le cœur

Chez les Bissa, quand on parle de Boussang Touba, ce n’est pas seulement de nourriture qu’il s’agit. C’est un lien. Un fil souple et chaud entre les générations, une mémoire roulée dans chaque galette, un savoir-faire qui se transmet de grand-mère en petite-fille, de feu de bois en brasier moderne. Le Boussang Touba, c’est l’élégance culinaire des Bissa, à la fois discret et indétrônable.

Le Boussang Touba, ou « San Sa » en langue bissa, est un mets traditionnel à base de haricots secs. Dans les concessions bissa, bien avant que le soleil ne chauffe les toits en banco, une main s’active déjà à trier le haricot sec. Pas n’importe quel haricot. Celui qu’on a soi-même cultivé, séché, battu et conservé avec soin dans des sacs en fibre. Car pour que le Boussang Touba garde sa finesse, tout commence dès la semence. Le grain est lavé, mis à tremper, puis pelé avec dextérité. Ensuite, il est séché au soleil, moulu finement, et tamisé. On obtient alors une farine claire et souple, promesse d’une crêpe tendre et goûteuse.

Un art de la pâte, entre précision et intuition

Le mélange de la farine de haricot avec la potasse naturelle est une étape délicate. Il ne suffit pas de suivre une recette. Il faut connaître la texture, la densité idéale, l’odeur que la pâte doit avoir une fois bien battue. La potasse, souvent issue de la cendre végétale, est dosée au regard, au toucher, au souvenir aussi. Elle donne à la pâte sa souplesse, sa tenue, sa cuisson parfaite.

On ajoute de l’eau progressivement. On remue longuement. La pâte doit être ni trop liquide, ni trop compacte. Quand la louche plonge et s’en ressort lisse, quand aucun grumeau ne résiste à la cuillère en bois, c’est que la pâte est prête. Et la cuisson peut commencer.

La cuisson : geste ancestral et flair culinaire

Le feu est vif, les pierres sont en cercle, la poêle de fonte repose, noire et brillante. Elle a vu passer des milliers de galettes. Avec un chiffon roulé, la cuisinière étale de l’huile sur la plaque chaude, puis verse une louche de pâte au centre. En quelques secondes, le cercle s’élargit, se fige, puis se détache lentement. Il est roulé d’un geste sûr, avec cette dextérité que seules les mains habituées possèdent.

Il faut du souffle, de l’attention, du rythme. Les crêpes se suivent, mais ne se ressemblent jamais. Chaque rouleau raconte quelque chose : un matin pressé, une fête improvisée, une demande spéciale d’un enfant ou d’un parent. Le Boussang Touba ne sort pas d’une machine. Il sort du vécu.

Plus qu’un aliment : une fierté roulée

Au village comme en ville, le Boussang Touba est un plat qui tient. Il tient l’estomac, il tient les souvenirs, il tient les gens ensemble. On le mange nature, ou accompagné d’un peu de piment, d’huile rouge, ou de sauce légère. Il se conserve bien, se transporte sans souci, se partage sans protocole. À l’école, dans le marché, au bord de la route, il se glisse dans du papier, se vend à l’unité, et garde son goût unique.

Dans les familles bissa, il est souvent le premier plat que l’on apprend à préparer. C’est un rite discret, mais puissant. Une jeune fille qui sait bien faire le Boussang Touba, dit-on, est déjà à moitié prête pour son foyer. Car faire cette crêpe, c’est prouver qu’on respecte le rythme, la matière, la patience.

Un savoir culinaire qu’il faut préserver

Le Boussang Touba n’est pas un simple en-cas. Il incarne une manière de vivre, de prendre le temps de faire bien avec peu, de transformer un ingrédient modeste en plat noble. Il rappelle que dans les mains de nos mères et de nos tantes, la cuisine est aussi un langage, une école et un patrimoine.

Alors que les habitudes alimentaires changent et que les jeunes générations s’éloignent parfois de ces gestes simples, il devient urgent de documenter, de valoriser, de transmettre. Car si le Boussang Touba disparaît, ce ne sont pas seulement des galettes que l’on perd, mais tout un pan de notre identité culinaire.

Proverbe bissa :
« Boussang Touba yi tu ta yi wɩng zaa. »
(Traduction : « Le Boussang Touba ne nourrit pas que le ventre, il parle aussi au cœur. »)
Ce proverbe exprime la profondeur symbolique du Boussang Touba : au-delà de son utilité alimentaire, il est un marqueur culturel, un ciment affectif, une mémoire vivante du peuple Bissa.

Le Boussang Touba n’est pas seulement une crêpe roulée issue du haricot ; c’est une déclaration d’amour discrète, un fragment d’histoire quotidienne, une tradition vivante. Dans un monde où la rapidité efface parfois la richesse des gestes anciens, il nous rappelle que certaines choses méritent d’être faites avec soin, patience et respect. Il est temps de le célébrer, de le transmettre, et surtout, de continuer à le savourer comme un trésor roulé dans la main, et jamais oublié dans le cœur.

Parfait Fabrice SAWADOGO

Journaliste Culturel -Infos Culture Du Faso

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