dim 10 août 2025

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À qui revient le titre de « Majesté » dans la chefferie traditionnelle burkinabè ?

Au Burkina Faso, les autorités coutumières jouent un rôle central dans la vie des communautés. Elles assurent la médiation sociale, règlent les conflits, garantissent la continuité des rites et servent de mémoire vivante de l’histoire. Ces chefs traditionnels sont de plus en plus visibles sur la scène nationale, invités dans les cérémonies officielles, sollicités dans les médiations politiques, et honorés dans les manifestations culturelles.

Mais avec cette mise en lumière, une confusion grandissante s’installe quant à la manière de s’adresser à eux. Le titre de « Majesté », autrefois réservé à une élite bien définie de la royauté traditionnelle, est aujourd’hui utilisé à tort et à travers, au point de perdre sa valeur symbolique. Il devient alors nécessaire de rappeler à qui ce titre revient réellement dans la hiérarchie coutumière burkinabè.

Des Rois aux fonctions ancestrales

Le titre de « Majesté » est exclusivement réservé aux Rois occupant les plus hautes charges traditionnelles du pays. Il s’agit notamment des cinq Dîma, considérés comme les véritables piliers de la royauté au Burkina Faso. Ces souverains exercent une autorité morale, spirituelle et historique, qui transcende les simples limites géographiques de leurs chefferies.

Les cinq Dîma sont :

Le Dîma de Zoungrãantenga (Tenkodogo),

Le Dîma du Yatenga (Ouahigouya),

Le Dîma de l’Oubritenga (Ouagadougou),

Le Dîma du N’Gourma (Fada N’Gourma),

Et le Dîma de Boussouma.

À ces figures historiques s’ajoutent trois Dîmbila, également considérés comme des Rois en raison de leur autorité sur leurs territoires. Il s’agit du Dîmbila de Yako, de celui de Mané et de celui de Tema. Eux aussi sont légitimement appelés « Majesté », même si leur titre est parfois moins connu du grand public.

Des exceptions parmi les Chefs de Canton

En règle générale, les Chefs de canton ne portent pas le titre de Majesté. Toutefois, certaines figures spécifiques, en raison de leur autorité étendue ou de leur statut historique, bénéficient de cette appellation. C’est le cas notamment de l’Émir de Dori, de l’Émir du Liptako Gourma et du Chef des Bobo Mandarè. Leurs fonctions vont bien au-delà d’une simple autorité territoriale et sont accompagnées d’une reconnaissance régionale forte.

Le cas du Dîma de Rissiam est également notable. Bien qu’il ne fasse pas partie des cinq Dîma principaux, il est parfois assimilé à ce cercle restreint en raison de son rôle prépondérant dans sa région et de son ancienneté.

Le titre d’« Excellence » : une reconnaissance protocolaire

Certains titres ont une origine plus récente, comme celui d’« Excellence », emprunté au vocabulaire diplomatique et administratif. Ce titre est attribué aux ministres des Rois (Dîma et Dîmbila), qui jouent un rôle essentiel dans l’organisation du royaume et dans ses relations extérieures. Il est également accordé à certains Chefs de canton, surtout ceux qui occupent une fonction de représentation entre la chefferie et l’administration publique.

Le titre d’« Excellence » ne désigne donc pas un Roi, mais un haut dignitaire au sein de l’organisation coutumière.

« Naaba » : le socle de la structure coutumière

Le mot Naaba, qui signifie « chef » en langue mooré, est très largement répandu à travers le pays. Il désigne les chefs de villages, de quartiers, de familles, ainsi que certains notables attachés à la cour d’un Roi ou à un Chef de canton. Ce sont eux qui incarnent la chefferie de proximité, qui assurent la stabilité sociale au quotidien, et qui participent activement aux rites et aux traditions.

Bien que très respectés, ces Naaba ne sont pas appelés Majesté. Ils constituent plutôt la base de la pyramide coutumière et sont essentiels au fonctionnement global du pouvoir traditionnel.

Sa Majesté Naaba Kiiba, roi du Yatenga

Rétablir les justes titres pour préserver le sens

Confondre un Naaba de village avec un Roi coutumier ou appeler un Chef de quartier « Majesté » par politesse excessive est une erreur fréquente mais lourde de sens. Cette confusion, souvent involontaire, affaiblit la valeur symbolique des titres royaux et contribue à l’érosion des repères dans la culture burkinabè. Elle peut aussi créer des tensions protocolaires lors des événements officiels ou traditionnels.

Il est donc important de rappeler que chaque titre correspond à un rang, à une fonction et à une légitimité. Le respecter, c’est reconnaître le système de gouvernance traditionnelle dans toute sa richesse et sa cohérence.

Pour une reconnaissance juste des figures coutumières

La chefferie traditionnelle burkinabè est structurée, hiérarchisée et porteuse d’un héritage multiséculaire. L’usage approprié des titres comme « Majesté », « Excellence » ou « Naaba » ne doit pas être pris à la légère. Il est porteur de sens, de respect et de reconnaissance pour les gardiens des traditions. Dans un Burkina Faso où les repères identitaires sont précieux, veiller à l’exactitude des appellations, c’est aussi honorer nos racines et renforcer la légitimité des autorités coutumières dans la société contemporaine.

Parfait Fabrice SAWADOGO

Journaliste Culturel – Infos Culture du Faso

2 Commentaires

    • Bonjour ma mamie Juliette Kongo,

      Merci beaucoup pour cette précision très enrichissante concernant le Dima Ouargaye, royaume autonome et descendant direct de Naaba Zoungrana. C’est une information précieuse qui peut grandement contribuer à une meilleure compréhension du patrimoine culturel de la région.

      Je serais ravi de recevoir d’autres informations de votre part à ce sujet. N’hésitez pas à me transmettre les éléments dont vous disposez ; ils seront d’une grande utilité pour approfondir mes recherches.

      Dans l’attente de votre retour,
      Cordialement,

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