Au cœur de Bobo-Dioulasso, dans l’arrondissement de Konsa, se niche le village de Sya. Noyau originel de la ville, ce centre historique incarne l’histoire, l’architecture traditionnelle et la diversité sociopolitique d’une cité plusieurs fois centenaire.

Situé dans une boucle naturelle formée par le marigot Houet à l’est et le Sanyo à l’ouest, le village de Sya s’étend sur environ quinze hectares. Il abrite encore aujourd’hui une place publique emblématique, Wara-Wara, autour de laquelle s’articulent les habitations. En plein cœur de la ville moderne, Sya conserve ses caractéristiques traditionnelles, résistant à l’usure du temps et à l’expansion urbaine.
Composé de trois entités principales Kibidoué, Tiguisso et le village bobo-dioula, Sya reflète une mémoire plurielle. Kibidoué et Tiguisso, qui revendiquent chacun l’origine du village, sont liés à un pouvoir coutumier basé sur le lignage. Les décisions s’y transmettent selon une logique clanique et ancestrale. En revanche, le village bobo-dioula, introduit plus tardivement, est associé à un pouvoir centralisé incarné par le chef de canton, une structure instaurée durant la colonisation.

L’agencement des habitations témoigne d’une intelligence collective remarquable. Construits en matériaux locaux notamment le banco (terre crue), les bâtiments s’organisent en blocs contigus aux toits plats soutenus par des poutres de bois. Cette disposition permettait autrefois de circuler à travers tout le village en marchant uniquement sur les toitures. Cette forme d’organisation spatiale, à la fois fonctionnelle et défensive, reflète une cohésion sociale forte et une adaptation ingénieuse à l’environnement.
L’histoire du village de Sya remonte très loin dans le temps. Selon les estimations des historiens, sa fondation daterait du VIe ou VIIe siècle de notre ère. Cette ancienneté fait de Sya l’un des plus anciens foyers d’occupation humaine de la région. Le site constitue aujourd’hui un précieux témoin des civilisations ouest-africaines précoloniales, marquées par des dynamiques sociales complexes et des traditions toujours vivaces.
En son sein, le quartier de Dioulassoba abrite une maison à forte valeur symbolique : la maison mère Konsa, première habitation construite par l’ancêtre bobo fondateur de Sya. Érigée au XIe siècle, cette demeure en terre battue comprend un salon, deux chambres au rez-de-chaussée et deux autres à l’étage. Dans l’une des pièces supérieures sont précieusement conservés des objets de culte bobo, témoins spirituels de toute une civilisation. Son toit en arga-masse (terre compactée) reflète le génie architectural local et la durabilité des techniques anciennes. Plus qu’un simple bâtiment, Konsa est un sanctuaire de mémoire, un repère identitaire pour les Bobo, et un symbole fort de la continuité culturelle de Sya.

Alors que Bobo-Dioulasso poursuit sa modernisation, le village de Sya subit des pressions multiples : expansion foncière, dégradation du bâti, perte progressive des repères culturels. Pourtant, ce site reste un espace vivant de transmission des savoirs, de pratique coutumière et d’identité collective. Il mérite une attention particulière des autorités locales et des acteurs du patrimoine, en tant que symbole de continuité historique et d’enracinement culturel.
Sya n’est pas un simple village ancien au cœur de Bobo-Dioulasso. C’est un creuset d’histoire, d’architecture et de systèmes sociaux uniques en leur genre. Protéger ce centre historique, c’est garantir que les générations futures puissent comprendre d’où elles viennent et bâtir en connaissance de cause l’avenir de la cité bobolaise.
Parfait Fabrice SAWADOGO
Journaliste Culturel – Infos Culture du Faso