Trois localités du Burkina Faso portent le nom de Boussouma. Si elles partagent cette appellation, leur histoire respective révèle des dynamiques royales distinctes, ancrées dans les traditions mossé et bissa. À travers une lecture chronologique et historique, cet article propose une exploration détaillée de ces trois entités territoriales, en mettant en lumière leurs origines, leur fonction politique ou rituelle, et les liens qu’elles entretiennent entre elles.

Le nom « Boussouma » n’est donc pas unique à une seule région. Il traverse le Centre-Nord et le Centre-Est, portant à chaque fois un sens particulier, chargé de mémoire, de symboles et de pouvoir. Si ces localités sont parfois confondues, c’est parce qu’elles sont toutes liées, d’une manière ou d’une autre, à la royauté mossé ou à ses prolongements historiques. Mais chacune conserve sa singularité.
Boussouma dans la province du Sanmatenga (Centre-Nord)
Ce Boussouma est l’un des anciens États mossé. Il a été fondé par Naba NabigsWendé, fils du Mogho Naba Koumdoumié. Le territoire comprend douze cantons : Soubeiga, Mané, Pissila, Diguila, Louda, Pensa, Yimiougou, Noungou, Piouktenga, Sabouri, Kirigtenga et Sanmatenga (Kaya).
Le nom de Boussouma signifie littéralement « l’endroit où les fétiches du royaume sont enfouis ». Il s’agit donc d’un lieu de haute valeur symbolique et religieuse dans la mémoire collective mossé. Cette importance est traduite par une expression laudative souvent citée :
« Boussoum kougr paam ziig ta boukr legb toog », ce qui signifie que l’autel sacrificiel de Boussouma a trouvé sa position et qu’il devient compliqué de le déplacer. Autrement dit, l’assise du pouvoir et des rites à Boussouma est perçue comme inébranlable.

Boussouma dans la province du Bam (Centre-Nord)
Ce second Boussouma se trouve également dans le Centre-Nord, mais dans une autre province, celle du Bam. Il est lié à la fondation du royaume de Rissiam, également connu sous le nom de Taonsg-tenga, avec pour capitale Sabcé.
Ce royaume a été créé par Naba Taonsgo, fils du Mogho Naba Kouda, lui-même descendant du Mogho Naba Koumdoumié. Lorsqu’il envoya son fils pour établir une nouvelle chefferie, Naba Kouda le fit accompagner d’un guerrier du nom de Zagué, chargé de préserver et d’exécuter les traditions auprès du jeune prince.
Une maison sacrée, appelée « maison de Naba Taonsgo », fut érigée dans une localité qui fut ensuite baptisée Boussouma. C’est dans cette maison que se déroulent les intronisations des Rissiam Naba, selon un rituel supervisé par un collège de notables dirigé par Naba Zagué. Le nom de Boussouma serait né d’une déclaration de Naba Taonsgo lui-même : « N san wa n kaye, bi bouss-m ka », ce qui se traduit par : « Enterrez-moi ici le jour où je quitterai ce monde ». Depuis lors, cette localité est devenue le lieu de sépulture de tous les Rissiam Naba, renforçant ainsi son caractère sacré et dynastique.

Boussouma dans la province du Boulgou (Centre-Est)
Ce troisième Boussouma se situe dans la région du Centre-Est, en pays bissa. Son origine est liée à un épisode de succession au sein du royaume mossé. À la mort de Naba Zaabo, son fils aîné Beeb-Zouda, écarté du trône, décida de s’installer plus à l’est et fonda un nouveau territoire qu’il nomma également Boussouma, en hommage à ses origines.
Ce choix du nom n’est pas anodin : il marque la continuité symbolique avec le Boussouma d’origine, tout en affirmant l’indépendance d’une nouvelle entité. Les relations entre les deux chefferies sont restées étroites. En novembre 2019, le chef de canton de ce Boussouma rendit visite au roi de Boussouma, témoignant ainsi de la reconnaissance mutuelle entre les deux lignées.

Un autre élément renforce ce lien : les deux autorités coutumières portent le même nom de règne, Naba Siguiri. Ce nom est inspiré d’une devise pleine de sens :
« Sigr bumb buul kon Kong neere », soit « Toute plante qui germe en saison pluvieuse ne saurait manquer de splendeur ». Elle exprime l’espoir que toute royauté bien fondée connaîtra rayonnement et prospérité.
À travers ces trois Boussouma, c’est toute la richesse de l’histoire royale burkinabè qui se donne à voir. Au-delà de la simple homonymie, ces localités incarnent chacune une dimension essentielle du pouvoir traditionnel : la légitimité historique, la continuité rituelle et la transmission dynastique. Elles illustrent également la capacité des chefferies à s’enraciner, à se réinventer, ou à essaimer, tout en préservant des liens profonds avec leurs origines.
Dans un contexte où les traditions locales sont parfois menacées par la modernisation ou la déstructuration sociale, ces Boussouma rappellent que la mémoire des royaumes n’est pas figée. Elle est vivante, mouvante, et toujours prête à ressurgir là où on décide de l’honorer.
Parfait Fabrice SAWADOGO
Journaliste Culturel – Infos Culture du Faso