Né le 2 juillet 1982 à Ouagadougou, Sidnoma Florent Nikiéma s’impose aujourd’hui comme l’une des figures majeures de la danse contemporaine burkinabè. Chorégraphe, danseur-interprète diplômé d’EDIT, enseignant certifié et directeur artistique, il conjugue depuis plus de vingt ans exigence du geste, rigueur de la transmission et passion pour l’exploration du corps en mouvement. Son parcours singulier, du hip-hop des rues de Ouagadougou à la scène internationale, incarne la vitalité d’une danse burkinabè en dialogue permanent avec le monde.

Florent débute dans les arts urbains à la fin des années 1990, en explorant les codes du hip-hop et d’autres formes d’expression de rue. Rapidement, sa soif d’apprentissage et de structuration l’amène à se former de manière plus approfondie. En 2009, il intègre la toute première promotion de l’École de Danse Internationale Irène Tassembedo (EDIT), où il suit un cursus complet de trois ans, sanctionné par un diplôme co-signé d’État de danseur-interprète professionnel. C’est dans cette école qu’il développe ses bases en danse contemporaine, danses traditionnelles africaines, écriture chorégraphique et analyse du mouvement.

Une formation auprès des grands noms de la danse
Tout au long de son parcours, Florent Nikiéma a multiplié les stages et formations en Afrique comme en Europe, auprès de grandes figures de la danse contemporaine. Parmi ses mentors et formateurs figurent Salia Sanou, Seydou Boro, Irène Tassembedo, Germaine Acogny, Laurence Levasseur, Régine Chopinot, Serge Aimé Coulibaly, Angélin Preljocaj, Patrick Acogny, entre autres. Chacune de ces rencontres a nourri son langage corporel, sa réflexion sur la création et sa sensibilité d’interprète.
Il se perfectionne par la suite dans l’art de la pédagogie à l’École des Sables de Toubab Dialaw (Sénégal), au CDC La Termitière à Ouagadougou avec comme partenaire la Fondation EGG-Cowles (États-Unis). Ces certifications lui permettent de développer une approche d’enseignement rigoureuse, ouverte et profondément ancrée dans les réalités africaines contemporaines.

Le Sacre du Printemps, un tournant artistique
En 2020, Florent est sélectionné pour intégrer la reprise du mythique spectacle Le Sacre du Printemps de Pina Bausch, porté par la compagnie Tanztheater Wuppertal et l’École des Sables. Cette œuvre emblématique du XXe siècle, réinterprétée par des danseurs africains, constitue un tournant majeur dans sa carrière. Elle l’amène à revisiter les rapports entre danse contemporaine africaine et occidentale, tout en affinant son propre langage scénique.
Cette expérience marque un point de bascule dans son écriture chorégraphique, où s’entrelacent désormais minimalisme, puissance expressive et ancrage symbolique. Elle influence également son approche de la transmission et sa vision du rôle du danseur africain dans les débats esthétiques internationaux.

Une écriture chorégraphique singulière
Créateur prolifique, Florent Nikiéma développe des pièces où le corps devient vecteur de mémoire, d’émotion et de questionnement social. Son solo M’siry, mon soupir, qui a obtenu le deuxième prix du concours Simply The Best West Africa, interroge l’étouffement identitaire et les tensions entre normes sociales et aspirations individuelles.
Il enchaîne les créations originales telles que Kobéndé – Eau trouble, qui aborde les drames migratoires ; Quand la lune est pleine, Kibaré, ou encore Entre deux souffles, présenté à plusieurs festivals. En collaboration avec Serge Arthur Dodo, il signe également Soleil noir 54°, une pièce intense sur les héritages coloniaux et postcoloniaux.

Florent élabore parallèlement sa propre technique de danse, l’Afro-Funky-Jazz, croisement audacieux entre rythmes africains, jazz contemporain et groove urbain. Il intervient et l’enseigne à la York University de Toronto, à l’EDIT et au sein de sa compagnie Farafina Ballet Théâtre, qu’il dirige avec conviction.

Un pédagogue engagé et un acteur culturel
Au-delà de la scène, Florent Nikiéma est un formateur très sollicité. Son approche pédagogique allie exigence technique, liberté créative et enracinement culturel. Il anime régulièrement des ateliers et résidences en Afrique, en Europe, au Canada et aux États-Unis. Il transmet sa passion à une jeune génération de danseurs, en cultivant l’écoute, l’expressivité et la discipline du corps.

Florent est également directeur général des Journées Chorégraphiques de Ouagadougou (J.C.O.), un festival dédié à la danse contemporaine et aux arts urbains, devenu un rendez-vous incontournable pour les professionnels du secteur. À travers ce projet, il milite pour la visibilité de la danse burkinabè, la professionnalisation des artistes et le développement d’un écosystème chorégraphique durable. En parallèle des J.C.O lancées en 2023, il a initié en 2025 un nouveau concept : LE DEMI-CERCLE #1, destiné à promouvoir des performances artistiques dans les quartiers et rues de Ouagadougou.

Une figure centrale de la scène chorégraphique burkinabè
Florent Nikiéma incarne une danse d’ouverture, de mémoire et de projection. Son parcours exemplaire, à la croisée des traditions africaines et de la création contemporaine mondiale, fait de lui une voix incontournable dans le paysage artistique actuel. Sa capacité à allier performance scénique, recherche esthétique et engagement pédagogique témoigne d’une rare maturité artistique.
Toujours en quête de sens, Florent continue de faire dialoguer les héritages avec les urgences contemporaines, dans une danse qui émeut, questionne et rassemble. Pour lui, chaque mouvement est un acte de transmission, une parole incarnée, un geste porteur d’avenir.

Florent Nikiéma est plus qu’un danseur : il est un bâtisseur de sens, un transmetteur d’héritage et un artisan du mouvement qui relie les générations. Entre création, transmission et engagement, il contribue activement à façonner une danse burkinabè contemporaine, exigeante et rayonnante à l’international. Dans un monde en perpétuelle mutation, il continue d’interroger les corps et les mémoires, avec la conviction que la danse, enracinée dans la terre comme dans l’âme, reste un langage universel de résistance, de beauté et de transformation.
✍️ Parfait Fabrice SAWADOGO
Journaliste Culturel – Infos Culture du Faso